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Grands angles
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      • Le fonds Jean-Louis Burtin à travers la vie et l'œuvre de l'artiste - Partie 2

      • LES PREMIERES REALISATIONS ET L’ENTREE DANS LA VIE PROFESSIONNELLE (SUITE)

        • La mort de Bussière, 1913
        • Les nouveaux locaux de L’Est Républicain, 1913

        LES ANNÉES DE GUERRE

        • La Spad 90
        • Le poilu, image la plus représentative de la Grande Guerre

        LES ANNEES DE LA RECONSTRUCTION ET DE LA COMMÉMORATION

        • L’installation à Malzéville
        • La maquette du monument Jacques de Caumont-la-Force à l’exposition de La SLAA, 1920
        • Les monuments aux morts, 1919-1924
        • Zoom sur le monument aux morts du cimetière de Malzéville
        • Raon-L’Étape, 1924

        LES DERNIÈRES RÉALISATIONS 

        • L’hôtel Thiers, 1924
        • La reconstruction des Magasins Réunis, 1925
        • La maison Monnot, 1926
        • Le Café de la poste, série 56/001 à 007
        • Le Palais de la Bière, 1927

        LES PREMIERES REALISATIONS ET L’ENTREE DANS LA VIE PROFESSIONNELLE (SUITE)

        La mort de Bussière 1913

        10 ans après la mort d’Emile Gallé, E. Bussière, une autre grande figure du mouvement Art Nouveau, professeur puis ami de Burtin décède à l’âge de 50 ans. Burtin en est très affecté. Il n’avait jamais, même après son installation, cessé les contacts avec Ernest, il leur arrivait régulièrement d’échanger à propos de leurs travaux respectifs. Jean-Louis reprend son fonds d’atelier31 et soutient son épouse dans les affaires courantes et dans sa démarche pour faire reconnaître l’œuvre de son mari. Jean-Louis élabore une sorte de chronologie de l’ensemble des œuvres réalisées par le maître en vue d’une publication et/ou d’une manifestation en hommage au disparu. Il suggère également à la Ville de Nancy de se porter acquéreur du grand bas-relief La Communion, œuvre inédite.  Mais nous sommes fin 1913 et la Première Guerre mondiale menace qui va bientôt mettre un coup d’arrêt, et pour longtemps, à ses efforts32.

        Photo du fonds. Série 57/001

        Les nouveaux locaux de L’Est Républicain 1913

        L’Est Républicain dont le bail de la rue Saint-Dizier arrive à terme en avril 1913, déménage de ce lieu et s’installe dans ses nouveaux locaux, place Maginot, lesquels sont inaugurés en avril 1913. L’architecte Le Bourgeois (1879-1971) confie la décoration des plafonds du hall, de l’escalier et de la salle de rédaction à Burtin. Ce sera le dernier chantier de Jean-Louis avant le début des hostilités.

        LES ANNEES DE GUERRE

        Le 11 août, le gouvernement déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie, 17 jours plus tard et pour la première fois dans son histoire, la France appelle sous les drapeaux tous les Français en âge de combattre.

        La SPAD 90 et la BR 244

        Jean-Louis (classe 1898) ne part pas dans l’infanterie33 comme ses deux frères34. Il est déjà âgé de 36 ans en 1914 et appartient à la réserve de la territoriale. C’est dans l’aéronautique, qu’il se trouve mobilisé, d’avril 1916 à décembre 1918, comme dessinateur modeleur sculpteur tout d’abord de la section de photographie aérienne de la section du détachement d'armée de Lorraine puis de la section photographique rattachée à l'escadrille N 90 / SPA 90 du 9 mars au 18 novembre 1918 et enfin de la section photographique rattachée à l'escadrille BR 244 du 18 novembre au 14 décembre 1918.
         
        En effet, à l’automne 1914, la guerre initiale de mouvement est terminée, le front s’est stabilisé et on est entré dans la guerre des tranchées. Les escadrilles de cavalerie, déjà très vulnérables face à la puissance du feu de l’infanterie et de l’artillerie ne peuvent plus assurer leur mission de reconnaissance. C’est vers l’aviation et la photographie, en progrès constant depuis plusieurs années, que l’armée va se tourner pour assurer le repérage des positions et le réglage de l’artillerie en conséquence. La photographie aérienne devient une véritable arme de guerre lorsque Joffre crée une section photographique par armée puis une par corps d’armée. C’est donc dans l’une d’entre elles, que Burtin est mobilisé, l’armée faisant appel à des spécialistes, déjà photographes, architectes, dessinateurs ou artistes dans le civil.

        Pendant ces années de guerre, Burtin réalise des dessins de tranchées sur lesquels apparaissent tous les éléments importants et stratégiques permettant d’affiner le renseignement. Je l’évoquais précédemment, le fonds Burtin est riche en photos aériennes (séries 36, 37, 38) à caractère indiscutablement militaire : position des tranchées, lignes ennemies…). On n’y trouve malheureusement pas les croquis35 réalisés par Burtin sur les tranchées et/ou les positions ennemies.
        Par contre, plusieurs photos représentent les membres de ces escadrilles Spad 90 et BR 244, (série 39) dotée de Breguet et qui, en 1916, dispose seule de la 18ème Section de Photo-Aérienne. Photographes, dessinateur, pilotes et observateurs, tous ensemble contribuent à créer la reconnaissance à longue portée sur le front de Lorraine. À défaut des croquis militaires, on trouve également dans cette partie du fonds des caricatures que Burtin fait de ses compagnons, Raoul Marius Laronde, le lieutenant Édouard Guillaume, chef de la section et sans doute le capitaine dont le nom est illisible sur le document joint.
        En outre, la photo 39/010 du fonds représente l’insigne de l'escadrille BR 244 réalisé par Burtin et qui sera peint sur le fuselage d'un Breguet 14A2 sur le terrain de Haguenau, au début décembre 1919. 

        • Photo 39/010 du Fonds Insigne de l’escadrille BR 244

        • Insigne peint sur le fuselage d’un Bréguet 14A2 de l’escadrille BR 244. Photo en ligne sur le site d’Albin Denis

        • Archives familiales. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Dessin de J. L. Burtin, fonds série n°39

        • À l’ami Laronde. Sans rancune. 1918. Dessin de J. L Burtin. Fonds série n°39/013

        • Fonds 39/012

        • Fonds 39/011

        • Photo du fonds série n°39. Burtin est à l’arrière complètement à gauche.

        • Photo du Fonds série n°39. Burtin est derrière entre le quatrième et cinquième soldat en partant de la gauche

        • Fonds 39/003

        • Cette photo trouvée sur le site albindenis.free.fr. est intéressante. On y reconnait plusieurs soldats figurant sur les photos et les caricatures du fonds.

        Un camarade de Jean-Louis, lui aussi enrôlé sans doute comme dessinateur fait son portrait en militaire. La signature ne permet pas de savoir de qui il s’agit précisément. Il se pourrait cependant que ce soit un certain Lavriller, peintre, sculpteur. En effet, je possède un plâtre daté aussi de 1916, qui porte une dédicace renvoyant à la SPAD avec une signature identique à celle figurant sur le dessin.

        • A l’ami Burtin 1916. En souvenir de la Spada. Signé Lavrillier ( ?) Photo Mô Frumholz-Burtin

        • Médaillon en plâtre représentant J. L. Burtin signé Lavrillier, dédicacé « En souvenir de la Grande Guerre » et daté de 1916. Photo Mô Frumholz-Burtin

        • Archives familiales, Jean-Louis en militaire. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Burtin militaire en compagnie de deux camarades Fonds 17/003

        Je reviendrai sur les autres photos aériennes qui figurent dans ce fonds (séries 36, 37, 38) et qui représentent Nancy et ses environs (Verdun et le Massif Vosgien) à propos du plan en relief que Burtin réalisera en 1937. Le 11 novembre 1918, l’armistice est signé mettant36 fin aux combats. Il faut maintenant reconstruire ce qui a été détruit et honorer toutes les victimes de la Grande Guerre. Mais avant de passer au chapitre suivant, attardons-nous un instant encore sur cette période de la guerre. 

        Le poilu, image la plus représentative de la Grande Guerre

        En effet, plusieurs séries du fonds sont consacrées à la Grande Guerre.  Cela témoigne de l’importance de cette thématique dans les productions des artistes qui, pour la première fois dans l’histoire de la France, étaient eux-mêmes massivement mobilisés. Nous venons de voir le rôle de Burtin au sein de la dix-huitième section aérienne et également les caricatures qu’il réalisait dans ses moments de repos. Friant37 lui aussi a pris part, à sa manière, à ce conflit et réalisé croquis, affiches de propagande, dessins et également peintures, ayant pour thèmes les tranchées, les combats, les camarades de régiment, autant de témoignages pris sur le vif des poilus défendant la patrie menacée.
        Car le poilu est effectivement l’image la plus représentative pour évoquer la Grande Guerre. Il est habituellement représenté dans quatre attitudes différentes selon la période de la guerre à laquelle l’œuvre est réalisée. Au début du conflit, il est vaillant et conquérant, cette confiance se transforme en volonté farouche d’en découdre lors de la guerre des tranchées, on le voit debout, le bras de la vengeance levé. A l’issue du conflit, il est soit vainqueur et glorieux soit agonissant dans les bras d’une allégorie féminine représentant la patrie38. 

        Les clichés des séries39 40, 41, 42 illustrent parfaitement ce qui vient d’être évoqué. Ils mettent en scène40 un poilu placé dans différentes positions allant de la blessure à l’agonie finale et semblent avoir été pris dans l’atelier de Friant. Ces plaques photographiques nous présentent le modèle perché sur des échafaudages de caisses dans la posture de l’attaquant se préparant à sauter, en train de sauter, en embuscade et visant l’ennemi, bondissant l’arme au poing, blessant l’ennemi d’un coup de baïonnette, ou encore blessé mortellement et mourant dans les bras d’un camarade. Sur certains clichés, le modèle joue le rôle du soldat ennemi, un casque à pointe sur sa tête et succombant sous le bras armé du poilu victorieux. Comme précisé dans la partie « Présentation du fonds », on voit bien ici l’importance donnée par nos artistes à la mise scène de leurs modèles ; leur faire jouer la scène à reproduire en leur demandant de prendre une posture juste et naturelle favorisera le meilleur rendu possible sur le dessin, la toile ou sur la statue. 
        Ces clichés ont sans doute également permis à nos deux artistes de se constituer une photothèque à laquelle ils pouvaient avoir recours en permanence pour la réalisation d’un dessin, d’une affiche ou de tout autre œuvre en lien avec la période de la guerre. 
        Voici ci-dessous quelques exemples.

        LES ANNÉES DE LA RECONSTRUCTION ET DE LA COMMÉMORATION

        L’installation à Malzéville 

        Pour Burtin, une nouvelle page s’ouvre qu’il souhaite plus calme et plus sereine. 

        Du fait de son engagement pendant toute la durée de la guerre, on le sollicite pour faire partie du Conseil municipal de la ville de Nancy. Il décline la proposition et préfère consacrer tout son temps à sa vie privée, à sa profession de sculpteur et à l’art. En effet, Jean-Louis a déjà 40 ans, il veut maintenant profiter un peu de la vie, se marier, fonder une famille, il estime également le temps venu de s’adonner davantage à sa passion de collectionneur.  En 1919, il devient propriétaire d’une maison sise 34 (devenu 36) rue de la République à Malzéville. Il ne choisit pas cette banlieue de Nancy par hasard. C’est là que réside la famille de sa future femme et également d’Eugénie Ledergerber, la compagne de Friant qui habite, avec tous les siens, rue de l’Église. De plus, Malzéville attire, à l’époque, beaucoup d’artistes et sa proximité avec le plateau et l’aéronautique n’est pas pour déplaire à Burtin. 
        L’année suivante, en 1920, il se marie avec Alice Franclet (1878/1971) qu’il fréquente depuis plus de 20 ans. 

        • Aquarelle de J. L. Burtin représentant Alice Franclet sa femme. Non signée. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Buste en plâtre patiné d’Alice Burtin fait par Jean-Louis Burtin. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        Papier à en-tête rue Oberlin. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        Tous deux emménagent dans la maison et espèrent fonder une famille. Malheureusement Alice donne naissance à un petit garçon mort-né. La peine est profonde, le couple restera sans enfant. 

        Burtin fait face, il est dans la force de l’âge, son atelier du 54, rue Oberlin puis de la rue de Regnéville tourne à plein41, le travail ne manque pas. Il organise son temps entre la participation à différents salons, la réalisation de chantiers architecturaux, la restauration de monuments historiques et la réalisation de monuments aux morts. 

        À l’Exposition d’Art Lorrain de 1919, les visiteurs peuvent admirer une de ses œuvres de jeunesse, un buste Pudeur qualifié par J. Durban42 « d’admirable et d’un sentiment exquis ».

        La maquette du monument Jacques de Caumont-la-Force à l’exposition de La Société Lorraine des Amis des Arts 1920

        En 1920 à l’exposition organisée par La Société Lorraine des Amis des Arts, Burtin expose deux œuvres43, hélas, une fois encore, toutes deux introuvables, d’une part un médaillon en plâtre de M. A. Muret décrit « comme d’une finition à la fois sobre et fine, qualités bien souvent incompatibles et que cependant l’artiste a su harmonieusement réunir» et, d’autre part, une maquette, travail préparatoire à l’érection du monument en mémoire du lieutenant-aviateur Jacques de Caumont-la-Force qui devait s’élever sous son ciseau à Lunéville44. Voilà ce qui en est dit par le critique d’art René d’Avril45

        « Le don le plus remarquable de cet article est le goût. Sens de la mesure, de l’équilibre des proportions, voilà ce que nous dit au premier abord cette pyramide élégante sur laquelle, poussé en avant par une palme, se détachera le profil d’un des premiers martyrs de l’air, ponctué de la devise ancestrale des ducs de La Force : Fiat via vi ».

        Photographie trouvée sur https://www.petit-patrimoine.com/fiche-petit-patrimoine.php?id_pp=54329_41

        Cette maquette qualifiée de « splendide » est signalée également dans la revue L’Immeuble et la construction de l’Est46 par le critique du journal lors de sa visite dans les ateliers de Burtin. Il précise que Burtin en avait reçu une commande ferme du Comité présidé par le Comte Ferri de Ludres et que cette belle pyramide en granit devait être élevée aux Bosquets de Lunéville. 

        Je n’ai pas retrouvé cette maquette dans le fonds Burtin et pas davantage de dessin qui aurait pu nous permettre de nous en faire une idée plus précise. Quant au monument47, il a finalement été réalisé en 1932, orné d'un bas-relief réalisé par François Méheut (1905-1981).

        Les monuments aux morts 1919-1924

        Avec le retour de la paix, l’âge d’or de la statuaire républicaine48 a pris fin pour laisser la place à un autre type de statuaire se déclinant cette fois sur le mode de la mémoire collective, du deuil et de l’hommage avec l’érection de monuments aux morts. Comme beaucoup d’autres sculpteurs, J. L. Burtin va être sollicité à plusieurs reprises entre 1919 et 1924 pour la réalisation de ces monuments. 

        Le coq gaulois. Fêtes de gymnastique Inauguration 8 juin 1919. Collection P. Boyer

        Dès 1919, il orne le socle du monument du Gymnaste, élevé à la mémoire des gymnastes morts pendant la grande guerre d’un motif décoratif figurant un coq gaulois « chantant victorieusement dans un soleil de gloire49». Cette œuvre du sculpteur Maurice Saulo, qui se trouvait dans le Parc Sainte Marie, représentait un jeune homme tête nue, la bouche ouverte dans un cri de vaillance et brandissant un drapeau déchiré. 

        En avril 1921, J. L. Burtin exécute le monument du Sud, qui se trouve au milieu du carré réservé aux sépultures des militaires du 26ème R.I. Voici la description qui en est faite dans l’Est Républicain50: « Conçue et exécutée dans le style des stèles funéraires, l’œuvre de notre concitoyen, le sculpteur Burtin, surgit, sobre, mais sans sécheresse, d’un tertre verdoyant. Un obélisque de pierre blanche que surmontent, groupés en trophées comme autant de symboles, le casque, le drapeau, la fourragère et la croix, se dresse sur un bloc simplement décoré de la couronne du souvenir et de la palme des martyrs ». 

        Les deux photos ci-dessous nous montre le monument tel qu’il se présente actuellement.

        • Le monument du Sud au milieu du carré réservé aux sépultures des militaires du 26ème R.I. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Le monument du Sud au milieu du carré réservé aux sépultures des militaires du 26ème R.I. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        Il réalise à la demande de la Ville de Nancy le monument aux Morts en hommage aux soldats de 1914-1918, en collaboration avec les architectes Frédéric Wielhorski51 (1874-1942) et Alexandre Descatoire et inauguré en novembre 1925. 

        • Monument aux morts du cimetière du Sud. Archives familiales. Photo Mô Frumholz-Burtin d’une carte postale d’époque.

        • Monument aux morts du cimetière du Sud. Archives familiales. Photo Mô Frumholz-Burtin d’une carte postale d’époque

        Burtin réalisera également la sculpture ornementale de l’édicule du monument aux morts du Cimetière du Sud52 ainsi que les monuments aux morts de Sarrebourg, Château Salins, Cirey-sur-Vezouze, Ludres, Deuxville, Haroué. Il réalise également le monument aux Morts du Clergé, érigé dans le vestibule de l’ancienne Chartreuse de Bosserville et bien sûr celui du cimetière de Malzéville dont il va être question en détail maintenant.

        • Monument aux morts de Cirey sur Vezouze. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Monument aux morts de Cirey sur Vezouze. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Monument aux morts de Cirey-sur-Vezouze. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        Zoom sur le monument aux morts du cimetière de Malzéville

        Photo du fonds 45/2. Face principale du monument aux morts de Malzéville.

        Deux séries du fonds (44,45/52), consacrées au monument aux morts53 du cimetière de Malzéville, sont du plus grand intérêt car elles laissent entrevoir la manière dont Burtin s’y prend pour réaliser ses œuvres. Il est dommage que nous n’ayons pas, comme pour Friant, la possibilité de comparer ces clichés aux différents dessins préparatoires54 par lesquels Burtin a l’habitude de passer avant d’en venir à la fabrication d’une maquette, au modelage d’une statue, d’un buste, d’un médaillon, d’une frise décorative…  

        Burtin travaille sur ce monument entre 1922 et 1923. Il s’agit d’un obélisque rectangulaire surmonté par un petit couronnement cylindrique, tout en pierre de taille, de cinq mètres de hauteur et placé sur un soubassement parallélépipédique. Sur les angles du monument Burtin sculpte des faisceaux et, sur le couronnement, une frise de croix, reliées entre elles par des guirlandes de laurier. Sur la face principale est sculptée une femme, allégorie de la victoire, tenant dans une main une épée et dans l’autre une palme. La femme est drapée à l’antique et porte un casque de poilu sur sa tête. 
        Les plaques photographiques (44) (45) (52) en rapport avec ce monument concernent essentiellement cette face.

        Photos du fonds Série 44/7 Lucie ou Eva Madeleine Horel. Pose pour le monument aux morts de Malzéville.

        Burtin fait poser une jeune femme55. Il prend différents clichés de cette femme, en pied, nue, puis nue sous un voile, avec et sans bas et guêtres ; il tire également des portraits de face, de profil, de trois-quarts, sur fond noir, sur fond blanc, les cheveux descendant librement dans le dos ou ramenés sur les épaules, avec et sans casque. En guise d’épée et de palme, elle tient dans chaque main un morceau de bois. 
        On peut s’étonner de cette façon de procéder et se demander pourquoi faire poser nu quelqu’un qui sera, au final, représenté habillé ou drapé. En fait cette manière de faire était déjà utilisée par Auguste Rodin (1840-1917)56 (et bien avant par Léonard de Vinci, Michel-Ange…) qui avait remarqué l’importance de la prise en compte de l’ensemble de la charpente musculaire et osseuse pour qui voulait parvenir à saisir l’essence même du mouvement d’un corps et la diffuser dans sa sculpture. 

        A l’aide de ces clichés, Burtin souhaitant donner l’illusion du plein relief à cette allégorie de la victoire, peut ainsi étudier tout à loisir, l’état musculaire du corps selon les différentes postures, mais aussi le tombé du tissu et la manière dont il coule et se plisse sur la peau à différents endroits du corps, le regard et la position de la tête avec et sans casque.

        • Photo du fonds 52/6 Lucie ou Eva-Madeleine Horel posant pour le monument aux morts de Malzéville.

        • Photo du fonds 52/10 Lucie ou Eva-Madeleine Horel posant pour le monument aux morts de Malzéville.

        Raon-L’Étape 1924

        En 1924, J. L. Burtin termine un bas-relief représentant une Cène pour la nouvelle église de Raon-l’Étape, Saint Luc.
        Voici ce que l’on peut lire à ce propos dans L’immeuble et la construction dans l’Est du 1er juin 1924 : 

        La Cène dans le chœur de l’église Saint Luc de Raon l’Étape. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        « Le bon sculpteur nancéien, Jean-Louis Burtin, vient de terminer, pour la nouvelle église de Raon-l’Etape, un splendide bas-relief, le Christ et les Douze Apôtres, qui fait réellement l’admiration de tous. Nul ne s’en étonnera de tous ceux qui connaissent le beau talent du sculpteur Burtin ». 

        Dans les séries 44 et 53, les clichés évoquent un travail préparatoire pour une pietà. Les deux modèles sont une fois encore Alice Burtin et Lucie Horel ou sa fille Eva Madeleine. Le fait que les deux modèles soient des femmes importe peu, car Burtin utilise plus un mouvement qu’un corps. L’essentiel réside une fois encore dans la composition de la scène. 
         

        • Église Saint Luc Raon-l’Étape Pieta. Photo Mô Frumholz-Burtin.

        • Photo du fonds 53/4. Alice Burtin et Lucie ou Eva Madeleine Horel.

        La série de clichés (43 et 44 001) est également très intéressante et certainement réalisée afin d’étudier de façon très précise les mouvements du corps selon que l’on est assis ou debout, de face, de profil ou de dos, appuyé ou non sur un support, etc. Ces photos ont été prises, comme les précédentes, dans la bibliothèque du 36 rue de la République et montrent un modèle masculin dans différentes poses, dont certaines ne sont pas sans évoquer un des personnages du tableau de Friant « La discussion politique » (la 43 009 notamment). 

        • Photo du Fonds 43/009. 

        • La discussion politique. E. Friant. Musée des Beaux-Arts, Nancy.

        LES DERNIÈRES RÉALISATIONS

        L’hôtel Thiers

        Burtin est à nouveau sollicité, en 1924, par P. Charbonnier pour l‘ornementation de l’Hôtel Thiers. Il s’occupe de la décoration de la nouvelle grande salle de café de 20m sur 14 et y réalise les sculptures décoratives.

        • Collection F. Rémond – FI-0859-0064

        • Collection F. Rémond – FI-0859-0071

        La reconstruction des Magasins Réunis

        En 1925, il est impliqué dans la reconstruction des Magasins Réunis où il est une fois encore en charge de la décoration, il en réalise également la maquette (série 55)

        • Photos du fonds série 55. Maquette des Magasins Réunis.

        • On voit très bien sur ce cliché que la construction des Magasins est centrée autour de deux cours.

        Comme nous l’avons vu avec les séries 40, 41 et 42 du fonds57, Burtin utilise la photo dans le but de se constituer une photothèque dont il se sert à la fois comme moyen de stockage disponible 24h/24h, - stockage des scènes jouées par les modèles, des restaurations à effectuer pour les monuments historiques (notamment les séries  47, 49), et de ses productions (maquettes, frises, éléments décoratifs, réalisations in situ) - et comme outil de diffusion pour présenter son travail à ses commanditaires et clients (séries 25, 49, 54, 55, 56, 57, 58) . Il est dommage qu’il n’ait pas eu le temps de répertorier de manière plus précise les différents clichés. 

        La maison Monnot, 1926

        En 1926, il décore les magasins d’orfèvrerie, 135 bis rue Saint Dizier de la Maison Monnot à Nancy. 
        Ces plaques sont clairement celles du Café de la Poste, rue des Dominicains, dont voici une reproduction ci-dessous, trouvée sur le net. Il s’agit de la façade rue des Dom’s.

        • Le café de la poste, série 56 du fonds

        •  Cliché Th. Protz Brasserie ou Café de la Poste, rue des Dominicains. Nancy

        • Salle du Café de la poste. Fonds 56/001, il s’agit de la salle arrière dont la porte donne sur la rue Saint-Julien

        • Coupole, café de la poste. Fonds 56/005

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        31Je me souviens qu’il y avait à la maison, notamment au grenier, nombre de plâtres/ moulages/plaques/bustes qui provenaient de ce fonds d’atelier. La pièce la plus connue était le moule du Sommeil (1903) dont l’original en marbre se trouve au Musée des Beaux-arts de Nancy.  Il y avait également le buste en plâtre la Bluette, le moule de la Médaille de la ville de Nancy, le profil d’une femme, celui de la plaque en l’honneur du Lieutenant Caumont et bien d’autres choses encore.
        32Des années plus tard, soit en août 1938, Burtin reçoit une lettre de Madame Bussière sollicitant à nouveau son aide à la fois pour faire avancer ses anciens projets et pour faire héberger dans l’atelier de Jean-Louis le grand plâtre, maquette de la figure de la chapelle Evrad qu’elle ne peut plus garder chez elle faute de place. Mais là encore les choses ne se feront pas, interrompues cette fois par la seconde guerre mondiale puis le décès de Burtin. Un échange épistolaire reprendra dans les années 2000 entre Jacqueline Burtin, ma mère, et une des filles d’Ernest. Et c’est finalement en 2002 que le souhait de Madame Bussière sera enfin réalisé sous la forme d’une exposition consacrée à l’œuvre de son époux « Art végétal, E. Bussière, Art Nouveau ». Pour plus de détails, voir également le mémoire de maîtrise d’Isabelle Hiblot (2000).
        33Il a effectué son service militaire au titre du 69ème régiment d’infanterie à compter du 14 novembre 1899. La dispense de service pour les ouvriers d’art n’a été mise en place qu’à partir du 23 novembre 1889. Voir Règlement d'administration publique du 23 novembre 1889 sur les dispenses militaires. Bulletin administratif de l’instruction publique. Année 1889 46-885 pp.823-838.
        34Les deux frères de Jean-Louis sont mobilisés dans l’infanterie, le plus jeune (classe 1913), soldat au 69ème régiment d’infanterie tombe en 1915 à l’âge de 22 ans à Guigamp. Julien (classe 1905), matricule 03939, soldat au 69e régiment d'infanterie, son autre frère, mon grand-père maternel, est blessé à deux reprises et gazé, il en gardera des séquelles sa vie durant. Les deux seront décorés de la médaille militaire.
        35Pour illustrer malgré tout cet aspect du renseignement militaire, j’invite le lecteur à se reporter à la page du site d’Albin Denis que je remercie vivement pour son aide dans l’identification des militaires : http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/Fernand_Bertrand.htm . Il y découvrira quelques croquis réalisés par le sculpteur Fernand Bertrand qui, lui aussi, s’est retrouvé affecté comme dessinateur dans l’aéronautique.
        36Ce n’est que le 29 juin 1919, avec la signature du tristement célèbre traité de Versailles, que la guerre est officiellement terminée.
        37On sait combien Friant a pris part, à sa manière, au conflit. Il a notamment participé à la septième, huitième et dixième mission d’artistes aux armées d’août, septembre et décembre 1917, puis à la douzième de janvier 1918 et réalisé de nombreuses affiches patriotiques.
        38Ailes brisées d’Émile Friant en est un bon exemple
        39Il n’a pas été possible de mettre ces clichés en lien avec une œuvre précise de Burtin ou de Friant. 
        40Il serait intéressant d’ailleurs de placer ces séries de clichés dans un diaporama et de les faire défiler rapidement. La scène s’animerait sous nos yeux et on se rendrait ainsi mieux compte du souci de précision recherchée. 
        41En mai 1919, il a pour 5000 francs de matières premières et marchandises et des travaux en cours d’une valeur de 10000 francs. Les travaux sont effectués par ses ouvriers, d’après ses dessins et sous sa direction, mais presque toujours sur les directives et aux proportions fixées par un architecte. C’est notamment dans ces conditions qu’il a décoré la Salle du Palais des Fêtes à Nancy (architecte Thiébaut), du Palais de la Bière à Épinal, des magasins Majorelle, (architecte Charbonnier) et Gillet-Lafond (architecte Le Bourgeois) à Nancy, des salles de l’Hospice Saint Julien, de l’École des infirmières (architecte Thomas), du Café Excelsior à Nancy (Architecte Mienville) et qu’il a rénové, dans les années 30, le nouveau Musée de Peinture (architectes Jacques et Michet André, fils d’Émile).
        42In ’Est Républicain 15 juin1919
        43In Est Républicain 16 novembre 1920, R. d’Avril signale également la présence d’autres œuvres picturales et décoratives de Burtin, mais il ne fait que les mentionner sans les décrire.
        44Le Comité local qui s’est constitué en 1912 n’avait pas, comme à l’accoutumée, lancé de souscription et avait passé directement commande à Burtin lui demandant de réaliser une maquette du monument projeté. Une fois l’emplacement choisi, une souscription devait être ouverte en Lorraine et à Paris.
        45In Est Républicain 16 novembre 1920 
        466 décembre 1925, n°49
        47Pour plus d’information, le lecteur intéressé trouvera dans la presse locale de l’époque les différents épisodes de la saga de ce monument qui a duré de 1912 à 1932 et notamment dans les numéros suivants de L’immeuble et la construction de l’Est : 15 octobre 1922, n°42 et 18 février 1923, n°7 
        48La troisième République, en quête de légitimité et aux prises avec la gestion de la défaite de 1870, souhaite régénérer la fierté nationale, notamment par la statuaire. La province connait le même engouement au point que l’on parle pour cette période d’une véritable « statuomanie ». (Maurice Aghulon Les statues politiques au 19ème, in Sculpture au 19ème, une mémoire retrouvée. Les fonds de sculpture, Coll. Rencontres de l’École du Louvre. La Documentation Française, Paris 1986)
        49L’Est Républicain 9 juin 1919
        50L’Est Républicain 6 avril 1921
        51Il réalisa également le lycée Cyfflé et la Bibliothèque universitaire de la place Carnot
        52http://www.monumentsauxmorts.fr/crbst_2276.html
        53C’est une des rares productions de Burtin qui figure dans l’Inventaire général de la Région lorraine.
        54Ils ont sans doute disparu dans les spoliations successives dont la collection et le fonds ont fait l’objet après la mort de Burtin d’une part, - son épouse Alice n’a pas toujours bien su se défendre devant l’insistance dont certains antiquaires peu scrupuleux faisaient preuve - et d’autre part, beaucoup plus près de nous, après celle de sa nièce, puis fille adoptive, Jacqueline Burtin.
        55Il s’agit soit de Lucie Horel (1876-1931), la femme du peintre Albert Horel (1876-1964) ou, plus probablement,  de de sa fille Eva Madeleine (1904-1983).
        56Comme l’expliquent Christine Lancestremère et Laure Roset : « Cette pratique de travailler avec des modèles vivants et de modeler les corps nus avant de les habiller est une des constantes du travail de Rodin. Elle participe de son exigence dans le rendu du mouvement du corps vivant, fait d’os, d’articulations, de muscles et de nerfs, rendu qui donne tant de force à ses sculptures ». In Péristyles n°48, décembre 2016. 
        57Reportez-vous au premier chapitre Présentation du fonds, deuxième paragraphe

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