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      • De la porte Sainte-Catherine à la Maternité régionale : un patrimoine universitaire et hospitalier à Nancy- Partie 2

      • La famille Bergeret dans leur jardin à Nancy © Coll. H. Bergeret-Image'Est (FI-1016-0100)

         

        Albert Bergeret © Coll. H. Bergeret-Image'Est (FI-1016-0025)

        Né à Gray, en Haute-Saône, fils de libraire, Bergeret se forme dans une imprimerie parisienne avant de déménager à Nancy, où, dès 1886, il crée un nouveau département à l’imprimerie Royer. Six ans plus tard, présidant la commission de décoration en charge de la trentaine d’arcs de triomphe qui accueillent le président Carnot en visite à Nancy, il rencontre Weissenburger, architecte de l’arc du Point central.

        En 1898, Bergeret et Oury fondent l’Imprimerie artistique de l’Est, installée rue de la pépinière (actuelle rue Gustave Simon), qui commercialise des cartes postales et des albums photographiques. Récompensée d’une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900, la société connaît un succès foudroyant : en 1904, elle ne vend pas moins de quatre-vingts millions de cartes par an, soit le cinquième de la production française. Devenu un authentique notable de Nancy, Bergeret cumule les distinctions (administrateur de la succursale de la Banque de France, juge suppléant au Tribunal de commerce). Dès la fondation de l’Alliance provinciale des industries d’art, il en est membre du comité directeur.

        Le quartier Saint-Pierre est alors encore à l’état de faubourg, mais l’avenue de Strasbourg est, depuis 1874, dotée d’une ligne de tramway. En 1887, à l’issue de tractations entre la Ville et les autorités religieuses, le séminaire, qui occupe l’ancien hôtel des missions royales, se voit offrir l’ancienne église Saint-Pierre, abandonnant en contrepartie des terrains situés de l’autre côté de la voie. Le quartier étant choisi pour héberger l’institut anatomique, on perce une rue, achevée en 1894, que l’on baptise du nom du prêtre et historien de Nancy Lionnois. Bergeret fait accélérer la destruction des dernières bicoques frappées d’alignement sur l’avenue, à côté de la nouvelle église Saint-Pierre, et commande à l’architecte Weissenburger une usine de deux mille mètres carrés. Érigée en 1902 par France-Lanord et Bichaton, dotée de bureaux à la décoration exceptionnelle due à Vallin, elle double sa superficie l’année suivante, et emploie cent cinquante ouvriers, à qui Bergeret offre des soins d’hygiène, un réfectoire, ainsi qu’une bibliothèque.

        En 1903, Bergeret fait à nouveau appel à Weissenburger pour sa résidence, contiguë à l’usine, dont la décoration est achevée deux ans plus tard. À l’exception de GalIé, déjà très malade, les plus éminents représentants de l’École de Nancy participent à la création de la maison – Bergeret écarte le terme « villa » afin d’insister sur la fonction familiale de la demeure. À sa mort, en 1932, son gendre Édouard Spillmann s’y installe en famille pour six ans. La société, devenue « Imprimeries réunies de Nancy » à la suite d’une fusion, est dissoute dès 1936. Brièvement occupé par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, l’édifice est racheté par une société de location de bâches. En 1946, l’État fait l’acquisition de la maison et d’une partie de son mobilier, mais la lustrerie et le mobilier léger ont été partagés entre les héritiers de Bergeret. Transformée en centre d’apprentissage, l’usine fait place à l’administration de la faculté de médecine à partir de 1949.

        L’Art nouveau étant tombé en disgrâce, la maison connaît de sévères mutilations au cours des décennies suivantes. Un bâtiment est adossé à la cuisine ; le mur d’enceinte et son portail de Majorelle sont détruits – l’appariteur de la faculté de médecine tire les ferronneries des gravats pour en décorer sa maison de Ménil-Flin. Trois cheminées sont abattues ; tout comme la terrasse surplombant l’office, la verrière de la véranda est remplacée par une toiture en zinc destinée à éviter les infiltrations. Des cloisons sont déplacées ; les escaliers d’accès au parc par l’office et par le jardin d’hiver sont supprimés. Démontée pour préservation dès 1943, la toile de Victor Prouvé, employée en ciel de hall et évoquant l’éveil de la nature, n’est tirée d’un débarras qu’en 1989. Les vitraux du second étage sont retirés lorsqu’est logé sur place l’appariteur de la faculté de médecine.

        Dans les années 1955-1956, l’usine est détruite au profit de l’amphithéâtre Parisot. Le fronton disparaît, tandis qu’un étage est ajouté entre les deux pavillons extrêmes, que l’on ampute de leur toiture. L’arrière du bâtiment est relié au jardin d’hiver de la maison par une galerie qui accueille la menuiserie, largement amputée, du vitrail au paon conçu, pour l’usine, par Joseph Janin. Au fil des années 1960, de nouvelles poignées de portes sont fabriquées, et la faculté de médecine acquiert quelques pièces de mobilier Art nouveau pour ré-étoffer la décoration.

         

        Vitrail de la Maison Bergeret à Nancy / Ph P. Greff © Coll. P. Greff-Image'Est (FI-0308-0021)

        En 1975, tandis que la maison Bergeret héberge la présidence de l’Université Henri Poincaré, une vague de protestations condamne la destruction du pavillon témoin du lotissement de Saurupt. À l’exception des vitraux, les extérieurs de la maison Bergeret sont alors inscrits à l’inventaire des monuments historiques. À partir de 1989, Frédéric Descouturelle et le président de l’Université Michel Boulangé opèrent des restaurations grâce au mobilier remisé dans les combles et les caves. Dans le hall reparaît ainsi le meuble-toilette de Majorelle, pour lequel on réalise en hâte une copie du rideau d’origine. Les portes coulissantes entre le cabinet de travail et la salle à manger sont reconstituées ; des vitraux sont restaurés. En 1994 a lieu le classement patrimonial de la totalité de l’immeuble. Dans l’intervalle, les destructions ont effacé toute signature de Gruber de l’édifice, dont on restaure, en 2003, le vitrail Roses et mouettes. Quarante-six mille euros sont versés conjointement par l’État, le Ministère de la Culture, la fondation Gaz de France et l’Université, dont la maison abrite aujourd’hui encore certains services.

        Pour la façade, Weissenburger mêle les styles néoclassique (fenêtres du rez-de-chaussée) et néogothique (lucarnes) à l’évocation d’une nature qui surgit de la structure, procédé typique de l’Art nouveau (fleurons, bourgeons des piliers du portail). À gauche de la porte d’entrée, la minuscule ouverture éclaire un laboratoire photographique. Curieusement, le bow-window d’angle donne sur un simple cabinet de toilette… La façade à gauche du pan coupé est technique : elle compte une descente de cave, la porte des domestiques (aujourd’hui occultée), qui donne accès au hall, à la cuisine et à l’escalier à vis, éclairé par une étroite fenêtre et conduisant aux chambres des combles. Des soupiraux permettent l’approvisionnement en vivres et en charbon.

        Maison Bergeret à Nancy © Coll. Image'Est (FI-0003-0855)

        Sur le plan des matériaux, la pierre de taille rappelle les siècles précédents, et Weissenburger joue des différents types que fournissent les carrières de Meuse et de Moselle, réservant la brique, industrielle donc moins noble, à la façade postérieure et aux espaces secondaires, tels la salle de bains et l’office. Hormis le gui de la porte d’entrée, toutes les ferronneries extérieures de la maison représentent la lunaire ou « monnaie-du-pape ». Parfois attribuées à Majorelle, elles ont en réalité été dessinées par Weissenburger et exécutées par le serrurier Eugène Soutif.

        L’influence des normes des récents immeubles parisiens de prestige et les techniques de construction moderne se manifestent à travers les planchers en fer, la charpente provenant des aciéries de Longwy, la porte extérieure en fer forgé doublé de panneaux de verre, les murs du vestibule – qui, à l’origine, étaient recouverts d’un revêtement blanc en stuc rappelant la pierre de taille –, le ciment coloré imitant le marbre au sol, la mosaïque aux tesselles de marbre et de grès, les briques en verre de la façade postérieure…

        Le plan intérieur, très moderne, propose une répartition judicieuse des pièces du rez-de-chaussée, consacrées aux réceptions et aux fonctions attenantes (cuisine, office). Hall et salle à manger servent d’espace de distribution, rendant tout couloir inutile. La lumière électrique, jugée trop violente, est filtrée par des verres colorés. La cloison isolant l’office a été supprimée, modifiant l’ambiance du hall – qui, initialement, était totalement dépourvu de vision de l’extérieur, la lumière du jour n’arrivant qu’à travers les vitraux ou via d’autres pièces.

        L’escalier monumental, conçu par Majorelle, présente une main courante en acier poli, naissant d’un enroulement de bourgeons en bronze doré, tandis que balustres et volutes sont en fer forgé. Une décoration en laiton revêt la forme de la monnaie-du-pape, motif récurrent qui hante sculptures, ferronneries, vitraux, mosaïque du sol et vestibule, tandis que les ombelles du laser trilobum encadrent miroirs, buffet et bibliothèque.

        Donnant sur le renfoncement de la rue Lionnois, la salle de billard est devenue un cabinet de travail – ouvert, comme la salle à manger, sur le jardin d’hiver –, tandis que le bureau de Bergeret a été transformé en salon. Dans la salle à manger, aujourd’hui réaménagée, trône un buffet décoré d’une cueilleuse de pommes, conçu par Auguste Vallin. Mis à part le salon, intime, équipé de pièces fabriquées en série dans l’usine de Majorelle, la totalité de la menuiserie des pièces publiques de la maison, malheureusement dénaturées, est due à Eugène Vallin, père d’Auguste et grand partisan de l’intégration de motifs floraux à la structure même des meubles. Le chêne est partout, à l’exception de la baie vitrée en trois parties, fermant le vestibule, réalisée en acajou de Cuba.

        Le premier étage abrite la chambre des époux Bergeret ainsi que celles de leurs enfants. Les circulations de la domesticité et des maîtres de maison sont clairement séparées, même si l’exiguïté de l’escalier de service en colimaçon allant du sous-sol au second étage a nécessité le percement d’une trappe au plafond d’un cabinet de toilette du premier pour faire passer des meubles ! L’hygiène se voit accorder une place importante : à une époque où la salle de bains est encore exceptionnelle et la propreté de la population douteuse, chaque chambre dispose d’un cabinet de toilette. À la pointe du progrès, le système de chauffage par air chaud, relié au calorifère du sous-sol via des boucles desservant différentes pièces, est peu performant, et nécessite des cheminées d’appoint.

        La quasi-totalité des vitraux donnant sur la rue a été confiée à Gruber. Protégée par un volet roulant extérieur, la monumentale verrière de l’escalier, intitulée Roses et mouettes, est censée figurer une version aplanie d’un vase École de Nancy. Les lignes du châssis métallique qui la maintient dessinent les branches du rosier, tandis que l’attaque du verre à l’acide conduit au dégradé de bleus. Donnant accès à l’ancienne terrasse couvrant l’office, la baie ovoïde intitulée Viornes obier est constituée de quatre panneaux montés sur un châssis en chêne dû à Vallin.

        Moins réputé que Gruber, Joseph Janin, dont le fils Georges reprendra l’atelier et concevra nombre de vitraux au sein de l’Université, est sollicité pour le verre purement intérieur et pour le jardin d’hiver. Weissenburger conçoit l’entourage des vitraux de ce dernier en brique de verre Falconnier, matériau rare à l’époque, et qui, grâce à l’air emprisonné, apporte un peu d’isolation tout en atténuant la lumière. Pour la partie figurative, Janin utilise un verre imprimé de Saint-Gobain, et simule les arceaux d’une tonnelle en fer couverte de daturas et de mirabilis (belles de nuit).

        Unique en son genre, la cloison du hall emploie des verres américains rendus opalescents par leur étirage dans la masse, ainsi que les appréciait Tiffany. Pour faire varier la coloration selon la position de l’observateur et l’incidence lumineuse, Janin superpose des verres bleus situés du côté du hall à des verres blancs plaqués d’une couche orangée, sur lesquels le motif du houx a été dégagé à l’acide, l’ensemble étant enserré dans un réseau d’éléments en laiton. Sur le palier du premier étage, dans l’imposte de la porte de la chambre des époux Bergeret, deux bignones sont entourées d’une menuiserie en chêne de Vallin. Au second étage, les impostes présentent iris, pavots, tournesols et roses trémières.

        Salle de cours de l'École régionale d'infirmières à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0976)

        En dépit de la construction de nouvelles extensions dans les années 1960, la faculté de médecine, confrontée à un nombre croissant d’étudiants et à un manque de terrains disponibles dans son quartier, rejoint en 1975 le plateau de Brabois, proche du nouveau complexe hospitalier. L’école régionale d’infirmières, devenue institut de formation en soins infirmiers, se situe, depuis 1934, au numéro 27 de la rue Lionnois, face à la maison Bergeret. C’est initialement dans un pavillon de l’hospice Saint-Julien que l’établissement est hébergé de 1922 à 1926, avant de rejoindre l’immeuble Ferlin-Maubon, qui abrite déjà le centre anticancéreux et le service de gynécologie.

        En 1930, Alfred Thomas, concepteur de la bibliothèque universitaire, place Carnot, dessine les plans d’un édifice de trois étages disposant de salles de cours, d’une salle des fêtes, d’une bibliothèque et de soixante chambres pour les internes. Une galerie souterraine traverse l’école, permettant l’acheminement des corps de la morgue, située à l’époque sous la chapelle de l’hôpital civil, à la salle d’autopsie de l’institut anatomique. Si les façades sont de style classique, l’intérieur offre une architecture de style purement Art déco. Le grand hall est éclairé par une verrière zénithale abstraite due à Georges Bassinot. Les escaliers sont rehaussés d’une rampe en métal chromé, tandis que le pavement offre une mosaïque aux lignes géométriques dont les couleurs font écho à la verrière. Dotée elle aussi d’un vitrail, la salle des fêtes trouve son originalité dans sa scène de théâtre aujourd’hui désaffectée, qui ne sert plus que de lieu de passage reliant les anciens locaux à ceux qui datent des années 1972-2012. Dans la bibliothèque, dont la table en chêne massif a dû être montée in situ, les vitrines portent les noms de donateurs et administrateurs.

        Au sein d’une Lorraine au sous-sol riche en ressources naturelles (pierre de taille et calcaire meusiens, granite et grès vosgiens, charbon, sel, fer…), la mise en place, en 1883, de cours de géologie et de minéralogie s’est imposée à la faculté des sciences, et la recherche, par René Nicklès, d’éventuels gisements houillers dans le bassin de Nancy a motivé la création d’une chaire de géologie en 1907. Les locaux de la place Carnot étant trop exigus pour abriter les salles de cours et les collections, on investit en 1910 l’ancien hôtel des missions royales, moyennant des subventions de l’Université et des industriels de la région.

        Dans les années 1730, Jean-Nicolas Jennesson, architecte de la Ville, avait fait bâtir à ses frais, au cœur du faubourg Saint-Pierre (aujourd’hui sur l’avenue du maréchal de Lattre de Tassigny), une église, le presbytère attenant, ainsi que sa résidence de campagne (située à l’actuel numéro 92). La maison est passée aux mains d’un certain Marin – qui y a établi une manufacture de tabac – avant de devenir dépendance du grand séminaire. Confisquée à l’Église au profit du Département au début du vingtième siècle, la maison Marin est, un temps, mise à la disposition de l’hôpital.

        C’est sur les instances de son épouse Catherine Opalinska, dont Joseph de Menoux est le confesseur, que Stanislas installe, en 1739, huit, puis douze missionnaires jésuites dans l’ancienne maison de retraite que Léopold avait fait construire contre le mur de la ville, rue Saint-Dizier. Menoux ayant amassé trop de papiers dans sa cheminée, l’édifice est ravagé par un incendie en 1741, année durant laquelle Stanislas achète un terrain près de l’église Saint-Pierre. Héré y installe le nouvel hôtel des missions, réemployant les matériaux de l’ancien « Louvre » que Léopold avait fait construire à Boffrand à l’emplacement de l’actuel palais du gouverneur. Le chantier, dont le coût est faramineux – les bâtiments, meubles et objets que Stanislas tient à offrir aux jésuites conduisent à une facture de plus de 232 000 livres – est achevé en 1743. Les religieux investissent alors un bâtiment qui, deux ans plus tard, est érigé en séminaire royal.

        Rehaussé d’un niveau par trois fenêtres par rapport à l’élévation initiale, le corps central présente une entrée principale avec imposte vitrée, couverte par un balcon soutenu par quatre colonnes et doté d’une grille rocaille en fer forgé de Jean Lamour. Le cartouche évoquant le soin apporté par Stanislas au développement de la piété et au soulagement de l’indigence est aujourd’hui effacé. La porte attenante à l’ancienne église Saint-Pierre permettait l’entrée du carrosse du Duc, qui s’était réservé un appartement au rez-de-chaussée.

        Louis XV ayant chassé les jésuites de Lorraine en 1768, l’hôtel des missions manque d’être transformé en hôpital, mais, devient finalement séminaire diocésain en 1780. La Révolution en fait temporairement une prison pour prêtres. En 1831, une épidémie de choléra fait réquisitionner les lieux pour l’accueil des malades. Au dix-neuvième siècle sont élevés, perpendiculairement au corps central consacré à Saint-Jean, les pavillons Saint-Charles (derrière l’ancienne église) et Saint-Georges.

        En 1908, à l’issue des lois de 1905 régissant la séparation des Églises et de l’État, bâtiment et terrains sont affectés, pour partie, au Département – qui décide, en 1910, de construire une maternité et une école de sage-femmes – et, par ailleurs, à l’Université. L’institut de géologie, doté d’un musée, occupe la partie droite des bâtiments, contiguë à la maison Marin, à l’opposé des futurs instituts d’hydrologie et d’éducation physique, créés en 1929. La salle des gardes, décorée de boiseries, demeure intacte jusqu’en 1945, date de sa transformation en salle de gymnastique. Quinze ans plus tard, les boiseries seront remontées dans le salon de la Préfecture.

        Hormis la lanterne couronnée du vestibule, inspirée de celles de la place royale, et l’escalier d’honneur attenant à l’appartement de Stanislas, avec sa remarquable rampe en fer forgé de Jean Lamour et le chiffre  « SR » (Stanislaus Rex), seules les cheminées encore en place témoignent de la magnificence passée du pavillon Saint-Jean, au sein duquel on a finalement renoncé à accueillir les instituts de botanique et de zoologie, la reconstruction de l’institut électrotechnique après la Première Guerre mondiale ayant été jugée prioritaire. Pour l’institut de géologie, un nouveau bâtiment aux fresques d’inspiration cubiste dues à Hilaire et Vogenski, est ajouté à l’arrière en 1935.

         

        Représentation de la cité universitaire de Monbois à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0285)
        Faculté de Médecine, rue Lionnois à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0983)

        Devenu directeur en 1938, Roubault met les cartes géologiques à l’abri à Clermont-Ferrand, et obtient le transfert de l’institut à Toulouse, en zone libre, avant un retour à Nancy en 1942. L’institut prend en 1944 le nom d’école supérieure de géologie appliquée et de prospection minière, qui devient nationale en 1947. En tenant simultanément compte des contraintes architecturales du bâtiment historique et des impératifs des laboratoires modernes, Jean Bourgon modernise les locaux. Fils de l’architecte de la Maternité Charles-Désiré Bourgon, il a conçu les bureaux de la société des hauts-fourneaux de Pont-à-Mousson, la cité universitaire de Monbois, la bibliothèque de la faculté de médecine rue Lionnois, l’institut dentaire avenue Heydenreich, la faculté de pharmacie rue Albert Lebrun, le lycée Chopin (avec Jacques Duvaux) et l’église d’Azerailles.

         

        Les nouveaux locaux sont inaugurés en 1953, mais une nouvelle extension est nécessaire. Le centre de recherches pétrographiques et géochimiques est créé la même année, qui déménage pour Vandœuvre en 1961, dans un bâtiment également conçu par Bourgon. En 1992, de nouveaux bâtiments sont érigés sur le plateau de Brabois. L’année suivante, le musée de l’École prend provisoirement ses quartiers rue Ste-Catherine. Aujourd’hui, l’hôtel des missions royales abrite le campus européen franco-allemand de l’institut d’études politiques, communément désigné par le vocable « Sciences Po », qui a un temps cohabité avec certains enseignements d’odontologie. Au sommet de l’édifice, l’amphithéâtre dit « des colonies » nécessite une sérieuse restauration.

        Une nouvelle église Saint-Pierre ayant été édifiée de 1865 à 1885, l’ancienne abrite des engins d’aviation après le départ du séminaire. Des militaires y sont hébergés pendant la Première Guerre mondiale. L’Université ayant renoncé à y installer un musée de Botanique, l’église finit par servir de dépôt au service municipal d’architecture. En 1963, la Ville de Nancy la loue à la faculté de médecine. Fortement endommagé, l’intérieur est décoré d’angelots qui menacent de se décrocher. Les orthodoxes, qui ont, un temps, occupé les lieux, ont masqué les murs intérieurs au moyen d’une armature métallique recouverte de contreplaqué¸ et apposé un faux plafond en dalles. Pour des raisons de sécurité, l’édifice, aujourd’hui doté d’un petit amphithéâtre, n’est plus accessible.

        En 1936, derrière l’hôtel des missions royales, ont été construits les bâtiments de l’institut dentaire, devenu faculté de chirurgie dentaire. C’est en 1770, après la mort de Stanislas, qu’a été créé le collège royal de chirurgie. De 1791 à 1793, l’exercice libre de toute profession et la suppression des collèges et facultés a précipité l’enseignement d’odontologie dans un chaos propice aux charlatans. Si des écoles privées sont ouvertes dans les années 1880, l’apprentissage de la pratique se fait surtout par compagnonnage, tandis qu’apparaissent fauteuil mobile, crachoir, porte-empreintes, et que se développent l’anesthésie dentaire et l’amalgame. En 1892, un diplôme de docteur en médecine ou de chirurgien-dentiste est exigé pour pratiquer.

        En 1901, l’institut dentaire de Nancy est le premier établissement public d’enseignement dentaire en France. L’apprentissage et les travaux pratiques ont lieu à la faculté de médecine, encore située place Carnot. En 1902, faculté et institut s’installent rue Lionnois, mais l’augmentation des effectifs conduit à l’édification, à côté de l’institut anatomique, d’un bâtiment achevé en 1910 et réservé à l’enseignement d’odontologie. En 1932, l’exiguïté des locaux pousse l’institut à déménager non loin de là, dans l’avenue baptisée du nom du docteur Heydenreich, ancien doyen de la faculté de médecine. La voie a été percée en 1929, sur les jardins de l’hôtel des missions royales, moyennant la destruction partielle du pavillon Saint-Charles. La façade de l’ancien institut dentaire, devenu médico-légal, est sauvée in extremis de la démolition par des spécialistes d’architecture de la Ville. Étayée, elle est aujourd’hui raccordée à un bâtiment consacré à la stérilisation du matériel.

        Achevé seulement en partie, d’après les plans de Jean Bourgon, le nouvel institut dentaire est doté, dans son escalier, de l’un des plus beaux vitraux art-déco en France. Georges Janin s’y inspire du cubisme, et offre au matériau des teintes changeant en fonction de la lumière extérieure. La salle du conseil d’administration est décorée d’une fresque du dentiste artiste Michel Jamar, montrant Sainte Apolline, patronne des chirurgiens-dentistes, dont on a brisé la mâchoire et les dents durant son martyre. Le nouvel institut suscite l’admiration à l’international : au premier étage, l’ingénieux système d’éclairage de la salle de technique opératoire, à la fois zénithal et latéral, évite toute ombre portée qui viendrait gêner les praticiens. Depuis les années 1930, les fuites entre le verre et le béton ont eu raison de cette conception originale, qui a fini recouverte d’une toiture métallique.

        En 1624, Elisabeth de Ranfaing, remise d’un envoûtement, crée une « maison du refuge » pour les anciennes prostituées. La congrégation prend bientôt ses quartiers dans l’îlot correspondant à l’actuelle maison hospitalière de Saint-Charles, consacrée à la gériatrie, où subsisteraient d’anciens cachots pour personnalités récalcitrantes. Au dix-huitième siècle y sont également accueillies des filles enfermées sur lettre de cachet, tandis que Maréville héberge les garçons. Transformés en prison sous la Révolution, les locaux deviennent, en 1795, une maison de répression et de secours, hébergeant hommes et femmes atteints de maladies spéciales, ainsi que les parturientes.

         

        Jardin de l'École d'accouchement de la Maternité régionale de Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-1004)

        En 1804, les bâtiments sont récupérés par les sœurs de Saint-Charles, qui prennent en charge soins dermatologiques et maladies vénériennes. Un enseignement pratique d’obstétrique est alors inauguré. Au siècle précédent, c’est au collège royal de chirurgie de Nancy, où Angélique du Coudray avait réalisé une démonstration de son mannequin, que le cours d’accouchement était dispensé. Après 1870, un édifice est construit sur la rue des ponts pour permettre l’accouchement des prostituées ou des femmes ne pouvant enfanter à domicile. La maison de secours comprend alors la maternité, la clinique de dermatologie et de syphiligraphie et deux services de maladies chroniques. Depuis 1872, quelques obstétriciens strasbourgeois, parmi lesquels le doyen Stoltz, ont rejoint Nancy. En 1888 est créée, au sein de la maison de secours, une école départementale d’accouchement, dont le professeur Herrgott dénonce les insuffisances dès 1907. Un nouvel établissement est alors envisagé sur l’emplacement des jardins de l’ancien grand séminaire.

        La Maison du Peuple à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0613)

        Confié à Charles-Désiré Bourgon, architecte de l’hôtel Lang (au carrefour de la rue Poirel et de la place Maginot), de l’obélisque de la place Carnot et de la propriété Jean-Baptiste Thiéry à Maxéville, le chantier, que la guerre interrompt à l’étape des fondations, est repris en 1920, puis modifié par Charbonnier, à qui sont dues la maison du docteur Jacques (à l’angle de la rue Jeanne d’Arc et de l’avenue Foch), la Maison du peuple (rue Drouin), la banque donnant sur les rues Chanzy et Saint-Jean, et la caisse d’épargne de la place Dombasle.

        En 1929, Adolphe Pinard, grand médecin accoucheur et puériculteur parisien, sort de sa visite inaugurale « ébloui par la réalisation si parfaite des rêves de toute une vie ». Fruhinsholz, son gendre et disciple, inspiré du meilleur de ce qu’il a pu observer dans les établissements allemands et austro-hongrois, s’est attaché à « favoriser l’accomplissement de la fonction maternelle dans toutes les classes sociales ». L’institution, considérée comme l’une des plus belles d’Europe, regroupe toutes les structures qui concourent à une prise en charge globale des mères et des enfants, en y intégrant les missions d’enseignement et de recherche.

        La rue du docteur Heydenreich n’étant pas encore percée, on entre par la rue qui porte le nom de Liébeault. Dans les années 1860, ce médecin de Pont-Saint-Vincent hypnotisait de manière saisissante, par le regard et la parole. Le patient endormi, Liébeault l’assurait de la disparition de ses symptômes. Strasbourgeois réfugié à Nancy, tenu en échec par les douleurs chroniques d’une patiente que Liébeault guérit en une séance, Bernheim se convertit à l’hypnose, qu’il définit en 1883 comme un simple sommeil produit par la suggestion et susceptible d’applications thérapeutiques. Il s’oppose ainsi à Charcot, qui, à la Salpêtrière, pense que l’hypnose ne concerne que les malades atteints d’hystérie.

        En 1884, Liégeois prouve que des sujets hypnotisés peuvent se voir suggérer de commettre des crimes. L’affaire Gouffé-Bompard – un meurtre prétendument perpétré sous influence de l’hypnose – éclabousse l’école de Nancy. En 1903, considérant que l’on ne peut pas distinguer l’hypnose de la suggestibilité, Bernheim – qui, comme Charcot, a formé Freud – se persuade que des effets équivalents peuvent être obtenus à l’état de veille : la psychothérapie est née… Figure célèbre de l’autosuggestion, le pharmacien Émile Coué, gendre de l’horticulteur Lemoine, vit rue Jeanne d’Arc, face au jardin de Gallé. Un jour qu’il ne dispose pas de médicament, il remet un flacon d’eau distillée à l’une de ses clientes, qui revient quelques jours plus tard en s’en déclarant ravie… Le parc Sainte-Marie recèle aujourd’hui des monuments à la mémoire de Lemoine et de Coué.

         

        Maternité régionale de Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0997)

        Sur le plan architectural, la Maternité s’organise en deux longs bâtiments parallèles reliés par une galerie médiane. Le bâtiment de façade est traversé par un large couloir de cent quarante mètres, que coupent quatre petits bâtiments délimitant des cours et des jardins arborés. Le clocheton initial du dôme surmontant le corps central a été démonté en 1936. À droite en entrant, le mur gauche présente d’anciennes inscriptions renseignant quant à la localisation de différentes salles, tandis que l’escalier intérieur offre un cadre Art déco. Si l’amphithéâtre a été conservé dans son état d’origine, les galeries latérales ont récemment été repeintes. Roger Casse, ami de l’obstétricien Fruhinsholz et ancien élève de l’école des beaux-arts de Nancy propose, dans un style qui n’est pas sans rappeler le réalisme prisé des régimes nazi et fasciste, des scènes montrant le corps sain et charpenté magnifié, le retour aux valeurs de la famille, à la campagne – voire au naturisme, dans l’aile droite, où est par ailleurs accroché un tableau représentant les sœurs de Saint-Charles sur un fond fantaisiste, l’église Saint-Epvre n’étant pas visible depuis la Maternité.

        Dès sa création, le bâtiment dispose de hauts plafonds permettant l’évacuation des miasmes. Aux salles communes de vingt lits, côté cour, s’ajoutent quelques chambres individuelles, dont quatre, plus luxueuses, sont dotées de meubles Majorelle, aujourd’hui conservés dans les réserves du musée de l’École de Nancy. En juin 1940, un préavis de quatre heures seulement annonce la réquisition de l’édifice par l’armée allemande. Les activités de la Maternité se retrouvent confinées dans l’aile droite du bâtiment de façade, les accouchements ayant lieu dans les sous-sols. Trois ans plus tard, les Allemands partent pour l’hôpital Sédillot, non sans avoir dépossédé les locaux de tous leurs équipements, emportant jusqu’aux rideaux, à la vaisselle et aux ampoules électriques. En 1986, l’école de sage-femmes, qui avait intégré la nouvelle Maternité dès 1929, s’est vu offrir de nouveaux locaux, à l’arrière des bâtiments.


                                        Arnaud FISCHER
                                        Enseignant à l'Université de Lorraine
         

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