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      • De la place Dombasle à la porte de la Craffe : un patrimoine universitaire à Nancy - Partie 1

      • Lycée de Nancy, actuel Lycée Henri Poincaré © Coll. Image'Est

        En 1572, année du massacre de la Saint-Barthélemy, la France est déchirée par les guerres de religion. Soucieux de former des cadres polyvalents pour la Lorraine tout en limitant l’essor du protestantisme et l’exode des étudiants vers les pays voisins, le duc Charles III et le cardinal Charles de Lorraine et de Guise obtiennent du pape Grégoire XIII, futur père de la réforme calendaire, la fondation d’une université jésuite à Pont-à-Mousson, à équidistance de Nancy et des évêchés de Toul, Metz et Verdun, qu’Henri II a occupés vingt ans plus tôt. Installée dans l’actuel lycée Marquette, l’Université enseigne progressivement la théologie, la médecine, le droit et les « arts » (physique, mathématiques, humanités, rhétorique et logique), mais les sciences naturelles en sont absentes.

        En 1750, Stanislas installe, dans la galerie des cerfs du palais ducal, l’une des rares bibliothèques publiques de l’époque, qui déménage en 1763 pour le récent salon carré de l’hôtel de ville. Deux prix – l’un littéraire, l’autre scientifique – sont par ailleurs créés afin de récompenser des lauréats lorrains. Les censeurs chargés de leur attribution se constituent bientôt en une « société royale des sciences et belles-lettres de Nancy », qui, parmi ses associés, s’enorgueillit de compter Montesquieu, Fontenelle ou encore Buffon. Suspendue durant neuf ans sous la Révolution, cette société deviendra, en 1850, l’actuelle académie de Stanislas.

        En 1752, Bagard offre à Nancy un destin universitaire. Médecin de Stanislas, connu pour avoir étudié les eaux thermales vosgiennes et vainement tenté, avec le soutien du Duc mais contre les religieux et magistrats locaux, d’introduire en Lorraine l’inoculation de la variole, pratiquée par La Galaizière sur son fils, Bagard est l’instigateur de la fondation d’un collège royal de médecine. L’institution, à laquelle chirurgiens et apothicaires sont bientôt réunis, s’installe rue Ste-Catherine, où elle se dote d’un jardin botanique – l’actuel jardin Godron –, avant de déménager place royale, à côté du théâtre de l’époque, dans le bâtiment de l’actuel musée des Beaux-Arts.

        Si, en 1762, Louis XV dissout la Compagnie de Jésus, Stanislas, profitant de l’indépendance de la Lorraine, assure les jésuites de Pont-à-Mousson de son soutien en s’opposant au transfèrement de leur université à Nancy, qui n’a lieu qu’en 1768, soit deux ans après sa mort. Quatre facultés se retrouvent alors dispersées dans la ville : la théologie investit l’ancien noviciat jésuite proche de la porte Saint-Nicolas, tout comme les arts, que dirige l’abbé Lionnois. La médecine rejoint le collège de la place royale ; le droit dispose de locaux vétustes en ville neuve avant d’investir l’actuel tribunal administratif, place de la Carrière.

        Boiseries de la Bibliothèque municipale de Nancy © Coll. Image'Est 

        En 1770, Louis XV s’étant engagé financièrement à doter les facultés de droit et de médecine de nouveaux locaux sur la place de Grève – aujourd’hui place Dombasle –, le projet d’un hôtel de l’Université se fait jour. L’esplanade, créée en 1730, sépare la vieille ville et ses remparts de la ville neuve voulue par Charles III.

        Conçu par Montluisant, le bâtiment, symétrique et régulier, reconstitue le volume de l’Université de Pont-à-Mousson, de manière à intégrer, sans modifications, ses boiseries, que l’on transporte par bateau en 1775. Installé au premier étage, le mobilier accueille les collections mussipontaines ainsi que les ouvrages issus de l’ancienne bibliothèque publique de Stanislas. L’organisation en quatre façades sur rue impose une similitude des ailes et de la partie arrière. La cour est initialement fermée par une imposante porte cochère ouverte dans un mur couronné d’une balustrade – autant d’éléments remplacés par une grille au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Le décor extérieur, très sobre, compte une horloge – dont le campanile a été rajouté en 1810. En 1778, les facultés de médecine et de droit investissent les bâtiments, encore en travaux. Aux salles de cours sont adjoints un amphithéâtre et un cabinet de physique, de chimie et d’histoire naturelle.

         

        La place de l'Académie, actuelle place Carnot (Nancy) / Ph J. Delarue © Coll. S. Rigollot-Image'Est (FI-0892-0139)

        Ayant accueilli les exécutions capitales jusqu’en 1770 – date à laquelle elles ont été transférées sur l’actuelle place Carnot –, la place de Grève devient donc place de l’Université. Elle borde deux couvents au sud, respectivement fondés en 1592 et en 1632 : celui des Minimes, dont subsiste un cloître, et celui de la Visitation. Les deux institutions sont séparées par la rue Notre-Dame – actuelle rue Gilbert –, largement amputée lors de la fusion des couvents à l’occasion de l’ouverture, en 1804, du lycée impérial. Du second couvent restent les caves, un bâtiment fort remanié mais construit au dix-huitième siècle avec un parloir et un cloître, ainsi qu’une partie datant de 1780 abritant aujourd’hui le bel escalier d’accès à l’appartement du proviseur.

        Classée monument historique en 1916, la chapelle est l’un des rares exemples du style néoclassique, dont témoignent à Paris le Panthéon, l’église de la Madeleine, l’arc de triomphe de l’Étoile ou l’église Saint-Philippe du Roule. Les architectes s’inspirent de l’Antiquité gréco-romaine alors fraîchement redécouverte. Après examen de cinq projets, dont l’un de Claude Mique – cousin de l’architecte Richard Mique, à qui sont dus, à la même époque, la porte Stanislas, les porte et casernes Sainte-Catherine, ainsi que le hameau de la Reine à Versailles –, la construction de la chapelle, de 1780 à 1783, échoit à Antoine, architecte de l’hôtel de la Monnaie et du grand escalier du Conservatoire national des arts et métiers, à Paris.

        La grange, qui, jusqu’alors, servait aux offices, est démolie. En façade de la nouvelle construction, les allégories de la Foi et de l’Espérance, respectivement munies d’une croix et d’une ancre, sont dues à Söntgen, sculpteur du portail de l’hôtel particulier de Claude Mique – qui, depuis 1826, abrite, rue Girardet, l’école forestière. Particulièrement saisissante, la coupole gagne en hauteur apparente grâce à un trompe-l’œil. À la Révolution, les armoiries de France sont effacées de l’édifice, la crypte profanée, tandis qu’un bas-relief montrant Marie-Antoinette, dont la localisation est inconnue, disparaît.

        1792 voit la suppression des monastères, et tous les objets précieux sont retirés du couvent, transformé en musée abritant des gisants arrachés à l’église Saint-François-des-Cordeliers, ainsi que les mausolées de Stanislas et de Catherine Opalinska, aujourd’hui visibles dans l’église Notre-Dame-de-Bonsecours. Tableaux, gravures et dessins s’entassent dans le vestibule et la tribune, qui hébergent provisoirement une école des beaux-arts, avant que l’édifice ne soit rendu au culte en 1804.

         

        Groupe de professeurs du Lycée de Nancy, actuel lycée Henry Poincaré © Coll. Image'Est

        Si la Révolution a remplacé les collèges par des écoles centrales, Napoléon Ier instaure les lycées dès 1802. Le lycée de Nancy, créé l’année suivante, accueille ses premiers élèves en 1804. Au fil des régimes, le lycée impérial devient collège royal, lycée national, lycée impérial… Dès le début du dix-neuvième siècle, il se dote d’un enseignement musical.

        Les agrandissements successifs du lycée sont réalisés, sur deux hectares, au détriment des cours. De 1869 à 1879, Morey emploie la pierre de Jaumont, bien connue des visiteurs de la cathédrale de Metz, pour bâtir la façade donnant sur la rue de la poissonnerie, devenue rue Gambetta, puis rue Poincaré. Dans les années 1880, si la chapelle et son prolongement sont conservés, l’ancien couvent de la Visitation est démoli. On perce la rue nommée Crevaux en hommage à l’explorateur, bientôt rebaptisée du nom du chimiste local Blondlot, puis, en 1940, des Blondlot père et fils. Les rues Gilbert et Bénit acquièrent leur tracé actuel, perpendiculaire à une nouvelle aile édifiée à l’arrière de l’établissement, qui abrite une école élémentaire désignée par l’appellation « petit lycée ». Les prostituées résidant dans le quartier sont expropriées.

        En 1914, le Lycée, qui héberge un hôpital, réorganise ses enseignements, notamment dans l’ancienne école Saint-Sigisbert. L’année précédente, il s’est vu donner le nom du scientifique Henri Poincaré, mort en 1912, cousin du président de la République, et ancien élève de l’établissement, tout comme Lyautey, Lebrun, Hermite, Barrès, Gallé, Majorelle, Grüber, Crevaux ou Charles de Foucauld.

        En 1940, les Allemands emprisonnent des officiers français sur place avant leur transfert outre-Rhin. Les souterrains et la crypte de la chapelle sont mobilisés, et certains prisonniers, profitant d’un office, s’enfuient par les soupiraux de la chapelle. La cohabitation franco-allemande est matérialisée par une palissade : l’occupant investit le côté longeant la rue de la Visitation, les élèves celui qui borde la rue Chanzy. En 1944, un obus cause de gros dégâts autour de la cour d’honneur. En 1977, la cour longeant la rue Blondlot laisse place à un nouveau réfectoire et à ses cuisines, tandis que l’internat fait peau neuve. L’hypothétique souterrain reliant l’internat de garçons du lycée Poincaré et l’internat de filles du lycée Jeanne d’Arc n’est qu’une légende… L’entrée actuelle du bâtiment administratif présente quelques objets scientifiques anciens, mais le plus beau témoignage du cabinet de physique du Lycée, le microscope de Magny, a été déposé au Musée lorrain.

        Entre le lycée Poincaré, la bibliothèque municipale et la caisse d’épargne, construite par Paul Charbonnier entre 1926 et 1928, trône la statue de Christophe-Joseph-Alexandre Mathieu de Dombasle, né en 1777 au 70 de la rue Stanislas, à l’angle de l’actuelle rue Guerrier de Dumast. En 1811, le blocus continental de Napoléon Ier ayant interdit les importations des colonies anglaises, le sucre est devenu denrée rare. Mathieu de Dombasle s’allie au physicien Haldat et au chimiste Braconnot pour fonder une sucrerie de betterave sur le domaine de Monplaisir, à Vandœuvre-lès-Nancy. Quatre ans plus tard, la levée du blocus provoque l’effondrement du prix du sucre, ruinant l’agronome.

        En 1822, Mathieu parvient toutefois à installer, à Roville-devant-Bayon, une école d’agriculture et une manufacture d’instruments aratoires, au sein de laquelle il développe notamment une charrue perfectionnée. Au début du dix-neuvième siècle, si l’on excepte une chaire d’économie rurale à l’école vétérinaire d’Alfort et deux écoles dans les murs du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, l’enseignement agricole est pratiquement inexistant en France. Rédacteur de nombreux traités, Mathieu de Dombasle fait travailler ses étudiants sur le terrain, évoquant « l’instruction qui éclaire et non la science qui éblouit », « une instruction solide et positive appliquée prudemment par des esprits sages et actifs s’appuyant constamment sur l’habitude de bien observer les faits ». Si l’exploitation modèle de Roville fait des émules en France, l’établissement ferme en 1842, bientôt suivi par deux éphémères institutions à Dommartemont et à La Malgrange.

        En 1844, un an après la mort de Mathieu de Dombasle, la Ville de Nancy baptise du nom de l’agronome la place de l’Université – devenue successivement place du Lycée, place Saint-Louis, puis place du Collège, dans l’intervalle –, et confie à David d’Angers la réalisation de la statue qui y est érigée en 1850. L’architecte municipal Prosper Morey réalise les plans du socle du monument, qui est mal accueilli à son inauguration. On lui reproche son caractère trop peu grandiose ; la charrue, œuvre de gloire de l’agronome, manque de visibilité. Un buste en fonte de Mathieu de Dombasle orne aujourd’hui son mausolée au cimetière de Préville. En 1879 a été créée, dans le château de la famille du maréchal Molitor à Tomblaine, l’école d’agriculture Mathieu de Dombasle, transférée à Pixerécourt dans les années 1950. Depuis lors, de Mirecourt à l’école d’horticulture et de paysage de Roville-aux-Chênes, les enseignements d’agronomie se sont multipliés.

        Sous la Révolution et pour un demi-siècle, la situation de l’enseignement en province a sombré dans le chaos, et Nancy n’échappe pas à la règle : dès 1791, liberté a été donnée à chacun d’exercer une profession – y compris médicale – dès lors qu’il paie une patente et se conforme aux règles de police. L’année 1793 voit la suppression des collèges et facultés au profit d’écoles centrales et d’écoles spéciales. L’hôtel de l’Université se vide donc pour se consacrer entièrement à sa vocation de bibliothèque – une aubaine pour accueillir les milliers d’ouvrages confisqués à trente-six établissements religieux et à cent douze nobles émigrés, dont il faudra retirer les exemplaires en double. En 1803, le bâtiment et l’institution deviennent intégralement municipaux, mais la salle de lecture, alors située dans l’aile gauche au premier étage, n’ouvre que trois jours par semaine, et l’inventaire des ouvrages n’est achevé qu’en 1837. Une école libre de droit est fondée en 1801, tandis que des médecins se sont regroupés en une éphémère société de santé pour donner gratuitement des cours, en attendant la recréation, en 1822, de l’école secondaire de médecine – qui, en 1843, devient école préparatoire de médecine et de pharmacie, et réinvestit pour l’occasion l’hôtel de l’Université.

        Balayant l’ancien système des écoles centrales, le Consulat a confié l’enseignement à des lycées. En 1809, Nancy et Metz se retrouvent à la tête de deux académies gérant plusieurs départements. L’Empire crée des facultés de province – que la Restauration fait, pour la plupart, à nouveau disparaître : en 1816, Nancy et Metz perdent leurs récentes facultés respectives de lettres et de sciences. Il faudra attendre près de quarante ans pour que Nancy retrouve une université, Metz n’en disposant à nouveau qu’en 1968 !

        En 1852, le ministre de l’Instruction publique Fortoul, qui souhaite étoffer le nombre de facultés de province, accepte de recevoir le conseil municipal de Nancy, qui s’est mobilisé pour demander la restitution de sa faculté de lettres et la création d’une faculté de sciences et d’une école de droit. Grâce à la volonté de Guerrier de Dumast, érudit lotharingiste à l’origine de la création du Musée lorrain, qui plaide de longue date pour faire de la ville une capitale régionale, on accorde une académie à Nancy. En 1854, la faculté de lettres ouvre à nouveau, tandis qu’est créée une faculté de sciences. Godron, ancien professeur de l’école de médecine, en est nommé doyen, et y enseigne l’histoire naturelle. Soucieux de l’application des sciences, il tente de développer un enseignement orientant les étudiants vers des carrières liées aux principales industries de la région, mais les candidats sont plus rares qu’à Lille, où le doyen Pasteur remporte davantage de succès… De 1854 à 1871, la Lorraine compte quatre à cinq licenciés ès sciences par an, et six à sept ès lettres.

        Au milieu du dix-neuvième siècle, Nancy héberge le troisième corps d’armée de France. Les premières lignes de chemin de fer sont établies dès 1850, et le canal de la Marne au Rhin creusé en 1852. La région, qui prend conscience de sa valeur industrielle, s’enorgueillit de ses facultés, qu’abrite, jusqu’en 1862, l’hôtel de l’Université, mais l’exiguïté des locaux incite le recteur et professeur de mathématiques Faye à envisager la construction d’un nouvel édifice. À l’achèvement de ce dernier, le bâtiment de la bibliothèque municipale se vide, même si le rez-de-chaussée demeure occupé, jusqu’à la création de la Galerie Poirel, par diverses manifestations et expositions. En 1984, le manque de place au sein de cette construction – qui a traversé les deux guerres mondiales sans aucun dommage – conduit à la réhabilitation de la friche industrielle de l’ancienne manufacture des tabacs en vue de l’aménagement de l’actuelle médiathèque.

        Dans la perspective d’un palais de l’Université monumental, la grande place de Grève – aujourd’hui place Carnot –, la plus spacieuse de Nancy, idéalement située entre la gare et la vieille ville, est préférée à la place Dombasle – qui pourrait, certes, accueillir un prolongement de l’hôtel de l’Université, mais ne permettrait plus d’extension au-delà. Créée entre 1768 et 1774 lors de la destruction des remparts, à l’emplacement du bastion des Michottes, l’esplanade, qui a servi de terre viticole durant tout le Moyen Âge, est le lieu des exécutions jusqu’en 1853, date à laquelle ces dernières sont conduites hors les murs.

        Guerrier de Dumast imagine un « palais-jardin ». Malheureusement, le sous-sol est instable, et un bâtiment central risquerait de casser la perspective. Il faut donc composer avec les constructions existantes, et l’on opte pour le flan ouest de la place, quitte à détruire le pensionnat Saint-Léopold et deux maisons voisines. Outre les facultés de lettres et de sciences, le nouveau palais académique – dont le prix de revient d’un million de francs fait grincer certaines dents – prévoit la possibilité d’héberger à court terme une faculté de droit – qui verra effectivement le jour en 1864.

         

        Porterie du Palais ducal de Nancy en 1888 / Ph J. Delarue © Coll. S. Rigollot-Image'Est (FI-0892-0023)

        Les serres du Jardin botanique à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0874)

        La conception du bâtiment est confiée à l’architecte nancéien Prosper Morey. Romantique influencé par Ledoux, lauréat du Prix de Rome en 1831, adepte des motifs médiévaux italiens qui lui rappellent son séjour à la Villa Médicis, Morey se fait chantre du style néo-gothique. Devenu architecte municipal de sa ville natale en 1850, il reconstruit le palais ducal après son incendie de 1871, agrandit l’actuel lycée Poincaré, et édifie notamment le kiosque de la pépinière, la nouvelle basilique Saint-Epvre – qui représente l’un des plus grands édifices néogothiques de France –, six églises – parmi lesquelles Saint-Fiacre et Saint-Nicolas –, le marché central, l’hôpital civil, les serres du jardin botanique de la rue Sainte-Catherine, et le château de l’Asnée.

        Fermant une cour carrée, le corps de logis, particulièrement ouvragé, présente au visiteur quatre personnages sculptés par Viard – à qui est également due la statue équestre du duc Antoine, sur la porterie du palais ducal. Ainsi sont passés en revue les fondateurs de l’Université en Lorraine : le cardinal Charles de Lorraine et de Guise – petit-fils de René II et de Philippe de Gueldre –, le duc Charles III – qui, avec le précédent, avait obtenu du pape Grégoire XIII la fondation de l’université mussipontaine –, Stanislas et Napoléon III. La statue initiale de Charles III, trop grande, a été déplacée sur la porte de la citadelle. La façade, parfaitement symétrique, comprend un vestibule solennel ouvert par trois arcs sur la place.

        Des passages latéraux sont tardivement percés, dont celui qui porte aujourd’hui le nom de Charles Nicolas Alexandre Haldat du Lys. Chirurgien des armées, fondateur, avec Simonin, d’une école de médecine à Nancy, professeur de physique, inspecteur d’académie, cet expérimentateur a étudié l’électricité statique, le magnétisme, l’action du vent sur la propagation du son, le rôle du cristallin dans l’accommodation, ou encore le dégagement de chaleur par frottement. Sa persévérance a permis le rétablissement de la « société libre des lettres et des sciences de Nancy – actuelle « académie de Stanislas ». Les piliers des passages soutiennent divers bustes présentant le poète et militaire Saint-Lambert, amant d’Émilie du Châtelet, le médecin de Stanislas Bagard et le naturaliste local Sonnini de Manoncourt.

        Une série de médaillons rappelle différentes gloires lorraines, parmi lesquelles le graveur mussipontain Jean Appiet, dit Hanzelet, les écrivains Hoffmann, Stanislas de Boufflers et Françoise de Graffigny, le magistrat Zangiacomi, les avocats Bresson et Fabvier, le garde des sceaux de Napoléon Ier Régnier, le génial horloger-machiniste du duc Léopold Vayringe – dont le nom a également été donné à une rue –, l’astronome Messier, l’inventeur Cugnot, le directeur du jardin botanique de Nancy Willemet, les médecins Cachet, Saucerotte et Thouvenel, ou encore les agronomes François de Neufchâteau et Mathieu de Dombasle.

        Sous le porche d’entrée, un médaillon présente le bénédictin Dom Calmet, rédacteur de nombreuses compilations historiques, qui a sillonné les abbayes de Moyenmoutier, Munster et Senones, et a été abbé à Nancy. Le buste de Guerrier de Dumast par Schiff, inauguré en 1885 au centre de la cour du palais, résulte d’une souscription de l’académie de Stanislas. Pour éviter tout vol, il a été très solidement ré-attaché après sa récente rénovation.

        À l’origine du bâtiment, un observatoire attenant au vestibule de l’amphithéâtre central est logé dans un beffroi de trois étages, mais la coupole, dont le diamètre n’excède pas 3,40 m, ne permet pas d’installer de télescope. La tour abrite temporairement des appareils météorologiques, puis sert d’asile au clapier d’un appariteur. Faute d’utilisation, elle se voit apposer une horloge, avant d’être détruite – la légende raconte que l’ancien concierge aurait construit sa maison en emportant progressivement ses pierres à bicyclette…

        Inauguré en 1862, le palais académique fait l’objet de critiques : trop exigu, il souffre de l’humidité, du froid et du manque d’éclairage et d’aération. Les cinquante années qui suivent sont ponctuées d’adjonctions, surélévations, et modifications rendues d’autant plus nécessaires que Nancy, en 1872, est choisie pour accueillir la faculté de médecine et l’école supérieure de pharmacie de Strasbourg, annexées à la suite du traité de Francfort. Tandis que Montpellier prétend sa faculté de médecine et celle de Paris suffisantes à l’ensemble du pays, Nancy, en concurrence avec Lyon, convainc Thiers de transférer les institutions alsaciennes dans la nouvelle ville-frontière. Les enseignants strasbourgeois, qui, pour beaucoup, se voient garantir la pérennité de leur précédent poste, y sont également favorables, quoique espérant toujours la restitution de la zone annexée.

         

        Rue de la Ravinelle à Nancy © Coll. Faculté de Pharmacie-Image'Est

        Dans le palais académique, les salles de cours et l’amphithéâtre, communs à la médecine et à la pharmacie, sont situés le long de l’actuel passage Haldat, certains laboratoires étant partagés avec la faculté de sciences. Au sommet du passage, une porte discrète permet l’introduction des cadavres dans la salle de dissection. Pour pallier encore le manque de place, Morey surélève le pavillon latéral. La mobilisation de l’aile droite du palais ne suffisant pas, on investit l’école supérieure de garçons – transférée en 1861 de la rue Callot à l’angle de la grande place de grève –, que l’on prolonge, de 1873 à 1875, sur la rue de Serre, puis, en retour, sur la rue Lepois – devenue rue de la Ravinelle après 1876.

         

         

        Monument du professeur Marie-Gustave Bleicher, rue de la Ravinelle à Nancy © Coll. Faculté de Pharmacie-Image'Est (FI-0849-0014)

         

        Ce nouvel agrandissement libère des locaux pour les facultés de lettres et de sciences ainsi que pour l’école supérieure de pharmacie – qui, toutefois, nécessite l’édification, rue de la Ravinelle, en 1879, d’un nouveau bâtiment relié aux anciens locaux par une aile en retour. Curieusement, Morey ne conçoit, le long de la rue, qu’un rez-de-chaussée semi-enterré, surmonté d’un étage. La façade, sans porte, rend obligatoire l’accès par le passage Haldat ou par le jardin botanique – à l’emplacement de l’actuelle bibliothèque –, où trône bientôt un buste du directeur Bleicher, assassiné par l’un de ses collègues pharmacien d’officine.

        Au sein du palais académique, l’aile en fond de cour d’honneur est surélevée ; en 1896, le grand amphithéâtre, aujourd’hui disparu, est décoré d’une peinture sur toile marouflée de Monchablon, sur laquelle figurent les grands noms de l’histoire et du patrimoine régionaux tels que Le Lorrain, Isabey, Callot, Grandville, Richier, Mathieu de Dombasle, Jeanne d’Arc, René II…

         

        Monument du professeur Marie-Gustave Bleicher, rue de la Ravinelle à Nancy © Coll. Faculté de Pharmacie-Image'Est (FI-0849-0014)
        Institut sérothérapique et laboratoire d'hygiène de la Faculté de Médecine, rue Lionnois à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0990)

        Dès 1883, le nouvel hôpital civil a fixé sur l’avenue de Strasbourg la majeure partie des enseignements cliniques, et la faculté de médecine s’apprête à suivre le mouvement. Percée pour l’occasion, la rue Lionnois accueille, à partir des années 1890, le nouvel institut anatomique, l’institut d’hygiène et l’institut sérothérapique. Autant de locaux du palais académique sont ainsi rendus disponibles pour les autres facultés et pour l’école supérieure de pharmacie. En 1902, la faculté de médecine tout entière quitte la place Carnot, au grand soulagement des membres de la faculté de lettres et des riverains, incommodés par les odeurs de cadavres, ainsi qu’avaient pu l’être autrefois, place royale, les spectateurs du théâtre. Sept ans plus tard, c’est à la faculté de sciences de fuir l’inhospitalier palais académique au profit des instituts de mathématiques et de physique, dont les locaux abritent l’actuel collège de la Craffe.

        Institut de Mathématiques et de Physique, rue de la Craffe à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0830) 

         

         

         

         

         

         

        L’école supérieure de pharmacie se développe encore, se dotant en 1905 du premier laboratoire de pharmacie industrielle en France. De 1909 à 1911, Jasson rehausse le bâtiment longeant la rue de la Ravinelle. Si la Ville possède les deux niveaux initiaux, c’est sur fonds propres de l’Université que la surélévation est financée.

        Laboratoire de l'École de pharmarcie à Nancy / Ph H. Dufey © Coll. J-M. Picquart-Image'Est (FLPH118-42)

        Le 12 février 1918 au soir, six bombes sont lâchées sur Nancy, et la première atteint sévèrement l’école de pharmacie, dont l’état empire avec la pluie des jours suivants. Une grande partie des drogues végétales anciennes conservées depuis 1872 sont détruites, tout comme les collections d’histoire de la pharmacie du directeur Bruntz. L’Université ferme ses portes. Après l’armistice et la restitution de Strasbourg à la France, le démantèlement de la faculté de médecine de Nancy est évité grâce à l’opiniâtreté du doyen Louis Spillmann, tandis que la réputation de l’école supérieure de pharmacie permet son maintien à Nancy en dépit du départ de certains professeurs vers l’Alsace. En 1919, la France compte ainsi quatre écoles supérieures de pharmacie – Paris, Montpellier, Strasbourg (récemment dotée) et Nancy –, qui, en 1920, deviennent facultés autonomes.

         

        Bâtiment de l'ancienne faculté de Pharmacie, rue Albert Lebrun à Nancy © Coll. Scalen-Image'Est (FI-0003-0388)

        En 1930 est décidé le transfert de la faculté de pharmacie, d’où l’acquisition, trois ans plus tard, sur la rue de la prairie – devenue rue Albert Lebrun en 1952 –, de la propriété de Meixmoron de Dombasle, petit-fils de Mathieu de Dombasle, lequel avait bâti là une usine, déplacée par la suite, pour fabriquer la charrue qu’il avait perfectionnée. La construction de nouveaux bâtiments et d’un jardin de plantes médicinales débute en 1936. Le quartier, assez déshérité, proche de nombreux jardins, offre une vaste superficie, mais le terrain, très remué, autrefois traversé par le ruisseau de Nabécor, alors canalisé, nécessite un forage destiné à enfoncer dans le sol deux cent quatre-vingts pieux de béton à une profondeur de dix à douze mètres. Le béton armé se retrouve dans les travées atteignant quarante mètres de long pour la structure porteuse. Sur les plans de Jean Bourgon, qui, en 1932, a déjà signé la cité universitaire de Monbois, le campus présente deux corps de cinq niveaux séparés par une partie abritant les amphithéâtres.

        Si le gros œuvre est achevé dès 1939, l’occupation intérieure des locaux dès 1940 par les armées françaises, allemandes, puis américaines ne permet la reprise des travaux qu’en 1946. En dépit d’un fonctionnement partiel dès 1949, les locaux sont officiellement investis en 1951. Les amphithéâtres sont dotés d’une peinture insonorisante ; le chauffage est régi par air pulsé ; les fenêtres sont faciles à obscurcir. Un hall d’exposition occupe le rez-de-chaussée, les laboratoires étant installés dans les étages. Pour atténuer la rigidité de la façade, Bourgon conçoit un perron incurvé. L’augmentation des besoins conduit à l’adjonction d’un bâtiment en arrière-plan, ainsi qu’à une surélévation, en 1967, de l’édifice originel, aujourd’hui déserté pour le campus de Brabois. Initialement conçues par Prouvé, les portes d’entrée ont été modifiées. Lorsque la faculté de médecine quitte la rue Lionnois pour Brabois, la faculté de pharmacie récupère ses locaux, anciens ateliers de l’imprimerie artistique de l’Est fondée par Bergeret. En leur sein, le hall Parisot est doté d’une peinture murale de Camille Hilaire, datant de 1947.

        En 1964, le premier ministre Pompidou inaugure le nouveau campus que Nancy consacre aux disciplines littéraires. De 1963 à 1966, entre avenue de la Libération – autrefois rue de Toul – et boulevard Albert Ier – antérieurement boulevard Godefroy-de-Bouillon –, l’architecte Jacques André et son frère ingénieur Michel pilotent le chantier. Les bâtiments de l’institution Saint-Joseph, dédiée à l’enseignement technique, et transférée à Laxou, sont détruits pour l’occasion, mais on conserve partiellement la pension de jeunes filles des sœurs Ménestrel (ou « Pensionnat de la bienheureuse Jeanne d’Arc »), qui abrite aujourd’hui les Éditions de l’Université de Lorraine. Sur ce site, transformé en hôpital auxiliaire durant le Premier conflit mondial, s’était installée, dès 1838, la congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur, fermée par décision judiciaire en 1903, l’évêque ayant remis en cause les méthodes pédagogiques des sœurs. Le campus de lettres a par ailleurs annexé les bureaux de l’entreprise Philips.

        Abritant depuis 2003 certaines équipes de l’Université, le bâtiment de l’ancien siège des hauts-fourneaux de Pont-à-Mousson – dont l’entrée donnant sur l’avenue de la libération porte précisément les lettres HF et PM – est une création de Jean Bourgon remontant aux années 1926-1928, modifiée en 1949, puis surélevée dix ans plus tard. Le décor intérieur est notamment signé Majorelle pour l’ameublement de la direction, Georges Janin pour les vitraux, Jean Prouvé pour la serrurerie et la rampe d’escalier, et Jacques Grüber pour les verrières représentant les activités du groupe.

        Depuis 1964, la faculté de droit occupe seule le palais académique, même si, sous le porche d’entrée, demeurent les mentions « Belles-Lettres », « École de médecine » et « Sciences ». En 1967, des travaux d’agrandissement sont menés sur le campus : le beffroi est abattu, et la cour carrée ouverte pour réaliser la liaison entre le palais académique et les locaux de l’ancienne faculté de pharmacie. Un nouvel amphithéâtre de sept cents places, rénové en 2010, est conçu par Gilbert Lejzerzon à l’angle de la rue de la Ravinelle et de la rue de Serre. Dans le sillage des travaux de Jean Prouvé, il est doté d’un « mur-rideau », qui habille le bâtiment sans participer à sa structure porteuse, les panneaux étant appuyés, étage par étage, sur un squelette fixe. De l’autre côté du passage Haldat, le bâtiment K, proche du parking, date de 1998.

        Chantier de construction de l'amphithéâtre de la Faculté de Droit de Nancy / Ph J. Scherbeck © Coll. Scherbeck héritiers-Image'Est (FI-0634-0306)

        En 1902, le départ de la faculté de médecine pour la rue Lionnois libère les locaux situés à l’angle de la rue de Serre et de la place de l’Académie. La bibliothèque municipale ayant refusé la réunion de ses fonds aux collections universitaires récentes, la bibliothèque de l’Université investit le premier étage du bâtiment modifié par Jasson.

        Dans une époque où se multiplient les musées universitaires, le rez-de-chaussée accueille le musée archéologique, que Paul Perdrizet constitue dans l’espoir d’obtenir la création d’une chaire d’archéologie et d’histoire de l’art à la faculté de lettres. La cour du bâtiment se retrouve couverte d’une verrière. Les deux couloirs de la façade intérieure de l’édifice deviennent des galeries ouvrant sur quatre salles d’exposition le long de la rue de Serre. Durant cinq ans, Perdrizet sollicite le dépôt d’objets et commande aux plus grands musées et ateliers d’Europe plusieurs centaines de moulages d’antiques, trois morceaux de la frise du Parthénon et une métope d’Olympie. Ouvert en 1906, le musée est inauguré deux ans plus tôt, à l’occasion du cinquantenaire de la faculté, quelques semaines après la mort de Gallé, beau-père de Perdrizet et concepteur de quelques vitrines.

        À l’approche de la Première Guerre mondiale, Perdrizet met en caisses les collections documentaires et archéologiques, mais peut difficilement protéger les moulages. Lors du dernier bombardement aérien de Nancy, dans la soirée du 31 octobre 1918, deux bombes provoquent un incendie, qui consume la plus grande partie de l’aile donnant sur la rue de Serre.

        Bibliothèque universitaire de Nancy après le bombardement aérien du 31 octobre 1918 / Ph H. Dufey © Coll. J-M. Picquart-Image'Est (FLPH118-59)

        Photographie aérienne de la place Carnot en 1919 / Ph. Charles G. Thomas © Coll. Image'Est 

        La bibliothèque perd cinquante six mille volumes et cent mille thèses, dont des exemplaires uniques de Pont-à-Mousson et de Strasbourg, tandis que le musée voit les trois quarts de ses moulages détruits. Muni des photographies du musée incendié, Perdrizet suggère en vain que la compensation des dommages de guerre soit prélevée en nature à l’Université de Bonn. Après son départ, en 1919, les pièces rescapées sont transférées à l’hôtel des missions royales, déserté par l’ancien grand séminaire après la loi de 1905, mais déjà partiellement investi par l’institut de géologie. Une solution d’hébergement à plus long terme s’offre, en 1920, à l’école des beaux-arts, dirigée par Victor Prouvé.

        En 1921, la reconstruction de la bibliothèque, jugée prioritaire, annexe les salles épargnées de l’institut d’archéologie, qui ne dispose de nouveaux locaux dans l’angle sud-ouest du deuxième étage du palais académique qu’en 1923. Le déménagement de la faculté de pharmacie, programmé dès 1938 et censé libérer des salles, est ajourné par la guerre. Les collections archéologiques restent finalement en caisses jusqu’au déménagement de la faculté des lettres, en 1964.

        Un élan de solidarité internationale permet de reconstituer les collections de la bibliothèque : l’Université de Glasgow envoie des ouvrages en langue anglaise ; la fondation Rockefeller contribue financièrement aux abonnements de périodiques médicaux ; diverses bibliothèques envoient doubles et thèses, rejointes par des particuliers. Des dommages de guerre sont accordés en espèces, puis sous forme de dons de livres, tandis que certains éditeurs offrent des réductions.

        Représentation de la cité universitaire de Monbois à Nancy © Coll. F. Rémond-Image'Est (FI-0859-0285)

        En 1932 – cas unique en France –, tandis que, cinq ans plus tôt, le maréchal Foch a remis la croix de guerre à l’Université de Nancy, le président Lebrun lui remet la légion d’honneur pour le courage dont elle a fait preuve en continuant d’assurer ses cours durant la guerre. Il en profite pour inaugurer la cité universitaire de Monbois, due à Jean Bourgon, et pour poser la première pierre de la nouvelle bibliothèque, projetée par l’entrepreneur Victor Chaize, selon les plans des architectes Alfred Thomas et Jean-Frédéric Wielhorski. Le second vient de concevoir, sur le terrain des religieuses qui quittent leur couvent de la Visitation pour la cure d’air, l’actuel lycée Cyfflé, qui correspond alors à l’école supérieure de garçons, rapatriée depuis les bâtiments du palais ducal. Les constructions universitaires fleurissent dans Nancy dans les années 1930 : les frères André s’inspirent de Frank Lloyd Wright pour l’institut de zoologie, et Bourgon édifie l’institut dentaire, avenue du docteur Heydenreich.

        Musée de zoologie / Ph. É. André © Coll. J.-L. André-Image'Est

        Pour la bibliothèque de la place Carnot, on vise l’économie de matériaux : fournis par les forges de Strasbourg, les montants de fer qui soutiennent les vingt-trois kilomètres de rayonnages métalliques supportent aussi les planchers de huit centimètres – dont l’épaisseur peut ainsi être divisée par quatre – et rejoignent les armatures du plafond. Douze colonnes de béton armé encadrent le bâtiment et soutiennent des poutres de dix mètres de portée, sur sept étages de magasins. Une vaste coupole en verre, dont l’effort est réparti sur un anneau de béton armé recouvert de plâtre au blanc éclatant, abrite la salle de lecture, surélevée pour isoler les lecteurs du mouvement et du bruit de la rue. Frédéric Steiner conçoit les six panneaux d’acajou présentant les disciplines enseignées.

        Les sous-sols, gardés par plusieurs portes blindées, sont d’emblée conçus en tant qu’abris antiaériens et pourvus de deux génératrices, de toilettes, d’un système de ventilation et de plusieurs accès pour les riverains. De 1936 à 1939, l’ancienne école supérieure de garçons fait place au nouveau bâtiment bordant la place Carnot, qui abrite l’appartement du bibliothécaire, une salle d’exposition, et la grande salle des solennités – actuelle salle d’honneur –, que Georges Janin dote de vitraux symbolisant les disciplines universitaires. Jean Prouvé, à qui sont déjà dus les cache-radiateurs de la salle de lecture, conçoit les portes d’entrée originelles, le hall intérieur, et les rampes d’escalier en acier inoxydable chromé. Pour les baies vitrées, il utilise pour la première fois l’aluminium, alors encore peu employé. En 1959, Jean Bourgon englobe, sous une verrière, la partie centrale des salles de lecture, augmentant la surface utile de plus de deux cent cinquante mètres carrés.

        C’est vers 1870, à l’emplacement de l’ancienne propriété privée d’un certain Beaupré, que le rond-point Lepois est aménagé depuis le passage Sébastien Bottin, qui n’est alors qu’un sentier. Il est ensuite relié à la rue Lepois, ouverte en 1876. La famille Lepois compte deux médecins majeurs de la Renaissance et du début du dix-septième siècle. Nicolas, qui voit ses études et celles de son frère financées par le duc Antoine, s’illustre dans la rédaction d’un ouvrage récapitulant les connaissances de son temps, encore fortement influencées par les idées antiques d’Hippocrate et de Galien. Charles, son fils, est nommé à la tête de la faculté de médecine de Pont-à-Mousson, créée en 1598. Médecin personnel de Charles III – dont il décrit l’agonie –, il mène sa carrière avec précision et rigueur, insistant sur la confrontation des données cliniques à l’anatomie, encourageant les étudiants à apprendre des symptômes des malades et à assister aux autopsies. Pionnier dans l’étude de l’hystérie et de l’épilepsie, il meurt à Nancy en 1633, contaminé par la peste qu’il est venu soigner. Non loin de la rue Lepois, la rue Hermite rend hommage à un grand mathématicien natif de Dieuze, qui n’a passé à Nancy que quelques années de jeunesse.

        Arnaud FISCHER
        Enseignant à l'Université de Lorraine
         

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