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      • Dossier pédagogique
      • Mars 1960, Visite de Khrouchtchev à Verdun, photographie de Claude Bardot, noir et blanc.

      • Dossier pédagogique rédigé par Pierrick Hervé, docteur en histoire contemporaine, professeur de Chaire supérieure CPGE BL lycée Guist’hau, Nantes.

      • Mars 1960, Visite de Khrouchtchev à Verdun, photographie de Claude Bardot, noir et blanc.
      • Remarque : La lecture de cette fiche est à associer à celle de la fiche FI-0055-0399. Les deux documents fonctionnent ensemble.

        Description et contexte

        Une photographie, en noir et blanc, prise par Claude Bardot, illustre le passage de Nikita Khrouchtchev dans l’Est de la France, le 29 mars 1960.

        Ce matin du 29 mars 1960, un avion en provenance de Dijon, se pose sur la piste d’atterrissage de la base aérienne 128, de Frescati près de Metz, accueilli par les autorités de la République, le Préfet, le Gouverneur et le commandant de la base, fils du général Mangin. Un visiteur peu ordinaire descend de cet avion. Le chef du monde communiste, père de la coexistence pacifique, en pleine guerre froide, se rend à Verdun, à Reims. Pour la première visite en France d’un secrétaire général du parti communiste de l’URSS, Khrouchtchev, arrivé le 23 mars à Paris parcourt l’ensemble du territoire. Dans la région Est, Khrouchtchev visite en voiture Verdun, Reims et Saint-Gobain avant de partir vers Lille en train. La photographie montre Khrouchtchev reçu à Verdun et Douaumont (difficile d’être précis à partir du cliché étudié) écoutant attentivement la traduction simultanée d’un compliment présenté par une écolière. Après un voyage historique aux États-Unis quelques mois plus tôt, Khrouchtchev poursuit la mise en place de relations nouvelles avec l’occident en venant rencontrer le général de Gaulle mais aussi l’ensemble de la population française lors d’un séjour intense. Pour l’organisation de ce voyage savamment préparé tant du côté français que du côté soviétique, des villes se portent candidates pour accueillir Khrouchtchev lors d’un séjour qui se présente comme un temps fort des relations franco-soviétiques et de fait comme un moment clef pour le parti communiste français. Ainsi une journée entière est consacrée à l’Est de la France.

        Un tour de France.

        Khrouchtchev grippé a repoussé son arrivée d’une semaine. Il atterrit à Orly le 23 mars accueilli par le général de Gaulle qui le conduit à Paris dans une limousine décapotée pour profiter de la foule nombreuse sur le parcours. Khrouchtchev est accompagné de Kossyguine, Gromyko, Vinogradov mais aussi de sa famille, avec des dissensions au sein de la délégation entre les journalistes et les diplomates.

        Les Soviétiques ont préparé le voyage par un plan médiatique de propagande bien établi pour la France, entre décembre 1959 et mai 1960 : des publications en français de textes soviétiques sur Khrouchtchev, de la revue Etudes soviétiques, la réalisation de dossiers pour la presse française, nationale et locale sur les thèmes centraux de la politique extérieure soviétique (paix et désarmement), avec des supports photographiques. Des journalistes soviétiques savamment triés accompagnent la délégation. Ce plan est complété par le travail du PCF qui donne une dimension particulière et construit la dimension internationale de la venue de Khrouchtchev.

        Le tour de la France de Khrouchtchev commence par un court séjour parisien, puis un voyage dans le sud-ouest par Bordeaux, le site gazier de Lacq dans les Pyrénées Atlantiques, Pau. La délégation se rend ensuite à Marseille par Nîmes et Arles, survole la vallée du Rhône pour rejoindre Dijon, où le chanoine Kir est interdit de réception ! Puis quatre étapes dans l’Est de la France le 29 mars, Metz, Verdun, Reims et Epernay. Le Nord, les cités ouvrières de Lille,  et la Normandie avec un retour à Paris par Flins achèvent le tour et précèdent deux jours d’entretien avec le général de Gaulle à Rambouillet centrés sur la Détente, l’entente et la coopération. Tout au long de ces déplacements, le premier soviétique, accueilli par les autorités de la République mais aussi par les élus locaux comme Chaban-Delmas à Bordeaux, alterne caractères officiels et aspects officieux à la rencontre d’associations proches des communistes pour prôner la paix par l’amitié tout en favorisant la dimension économique de l’échange diplomatique. Ainsi ce voyage permet la visite de monuments, d’unités de production industrielles, de centres de recherche, Khrouchtchev veut rencontrer des foules.

        Pour un jour, Verdun lieu central des relations internationales.

        Si la photographie montre un temps convivial et le caractère jovial du visiteur, la personnalité de Khrouchtchev est clivante et l’opinion publique oscille entre la crainte qu’inspire le chef d’un deux blocs de la guerre froide et la personnalité joyeuse qu’il extériorise volontiers. Placé entre un voyage aux États-Unis et une conférence au sommet en juin qui doit se tenir à Paris, le voyage en France vient à point nommé pour valoriser la nouvelle démarche que l’URSS veut construire dans ses relations avec l’occident, alors qu’elle est entrée dans la coexistence pacifique et qu’elle vient de se séparer de la Chine.

        La démarche d’accueil est aussi importante pour les relations bilatérales que la cinquième République française naissante, entrée dans un temps de reformulation de sa politique extérieure depuis quelques mois, entend instaurer pour affirmer l’indépendance nationale alors qu’elle vient de procéder à sa première explosion nucléaire le 13 février 1960. Pour le pouvoir politique français, le voyage s’inscrit dans une démarche renouvelée vis-à-vis de l’URSS depuis 1958 associer à la dynamique du rang de la France voulu par le général de Gaulle. Donc se rapprocher de l’URSS c’est affirmer la présence de la France dans le cercle des puissances, ce que confirme le voyage, presque préparatoire, de Jacques Chaban-Delmas en URSS au début du mois de mars 1960 au cours duquel les thèmes discutés ensuite en France sont évoqués. Il reçoit d’ailleurs Khrouchtchev à Bordeaux, dans sa mairie, quelques jours plus tard.

        Cependant les deux parties s’opposent sur la question de Berlin, que les Soviétiques voudraient associer au désarmement alors que le 13 février 1960 se déroule la première explosion nucléaire française. Cependant l’URSS est de moins en moins critique sur la situation de l’Algérie, soutenant sans le reconnaitre officiellement le GPRA, alors même que vient d’avoir lieu à Alger la semaine des barricades.

        Les sujets de tensions ne manquent pas entre les deux États et Verdun trouve ici sa place comme expression symbolique des sujets qui lient et séparent la superpuissance et la puissance moyenne. La journée dans l’Est est marquée par une passe d’arme diplomatique sur la place de l’Allemagne. La visite de Verdun et de l’Ossuaire de Douaumont se poursuit par celle de Reims où Khrouchtchev prononce un discours important. La cité de la résistance à l’offensive allemande en 1916 au prix d’immenses pertes, l’immense nécropole, comme la cité qui a reçu la capitulation allemande sur le front occidental en mai 1945 sont pour Khrouchtchev l’occasion de dénoncer le caractère historiquement agressif de l’Allemagne touchant aussi bien la France que l’URSS ce que la construction européenne tendrait à effacer. En effet l’URSS, inquiète du développement de la Communauté européenne, voudrait renforcer les relations avec la France, ce qui explique certaines destinations retenues associées à des entreprises phares (Renault, Schneider, Péchiney…) de même qu’elle souligne la méconnaissance que les industriels français ont du marché soviétique par rapport aux Allemands ou aux Britanniques. Les différents discours de Khrouchtchev rappellent en leitmotiv la paix, l’amitié, les échanges, la coexistence pacifique portés par le monde communiste dirigé par l’URSS et présentés comme une main tendue.

        Un enjeu politique national.

        La venue de Khrouchtchev en France n’obtient pas l’approbation de toutes les familles politiques françaises. Dans une approche anticommuniste classique, des parlementaires dénoncent la possibilité offerte au PCF de faire de la propagande et d’appuyer son emprise sur la société notamment par l’ensemble de ses organisations. Ils réclament des mesures liberticides auprès du ministère des affaires étrangères, Georges Bidault. L’extrême droite tient même une réunion en janvier pour créer des comités civiques d’opposition au voyage, voire pour le saboter en rappelant l’épisode hongrois de 1956 ce qui conduit à des procédures judiciaires.

        Les autorités catholiques ne sont pas en reste et cherchent à profiter du voyage pour dénoncer le communisme athée et le sort réservé aux chrétiens en URSS tout en soulignant le rôle de ce voyage pour construire la paix. Ce voyage montre aussi les formes d’intervention dans la politique extérieure française notamment du Vatican qui contraint fermement le chanoine Kir à ne pas être présent à Dijon pour la réception de Khrouchtchev, alors que les deux hommes souhaitaient vivement se rencontrer.

        Le voyage est un vrai challenge pour le PCF qui doit montrer son inscription dans la vie politique française, ses capacités de mobilisation donc le poids réel de son secrétaire général, Waldeck-Rochet et son pouvoir de relais des propos de Khrouchtchev. Il s’attaque aux diverses formes de l’anticommunisme qui s’expriment dans l’opposition au voyage. Il dénonce aussi les socialistes jugés réactionnaires. D’autre part il se lance dans un travail préparatoire du voyage avec des militants mobilisés, via les associations et les syndicats pour réussir l’accueil populaire (voir fiche photographie FI-0055-0399).

        Pour des questions de sécurité, près de 1000 personnes jugées capables de nuire au bon déroulement du voyage sont transférées en Corse et surveillées par les Renseignements généraux.

        Dans le communiqué final suite aux entretiens de Rambouillet, Khrouchtchev remercie ses hôtes de l’intérêt du voyage même si l’explosion nucléaire française de la veille est jugée regrettable ce qui l’incite à proposer une utilisation pacifique de l’énergie et à en appeler à l’amitié entre les peuples. Mais le PCF s’appuie sur l’ensemble de son appareil médiatique pour souligner la réussite populaire du voyage pour revendiquer un rapprochement de la France avec l’URSS, future base d’une véritable détente internationale et les mouvements de paix. Il réussit à surpasser les diverses formes d’opposition et favorise une audience occidentale à la propagande soviétique. L’ère médiatique des relations internationales commencerait ainsi au début des années 1960 avec la couverture de presse, le rôle nouveau de la télévision, la place des foules. Le caméraman filmant Khrouchtchev et présent sur la photographie renforce ce sentiment.

        Approche pédagogique pour les classes de terminale des lycées généraux et technologiques.

        La photographie trouve aisément sa place dans le Thème 2 du programme de terminale générale, notamment dans le chapitre consacré à la multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970) auquel peuvent être consacrées 13 à 15 heures. Après avoir présenté la fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial faisant émerger de nouveaux types de tensions entre les deux superpuissances, se met en place une nouvelle donne géopolitique autour de la bipolarisation et de l’émergence du tiers-monde.

        Si les relations sont bien conflictuelles rythmées par des crises majeures, elles sont aussi après 1953 marquées par des rencontres, et en 1956 la proposition soviétique de la coexistence pacifique portée par Nikita Khrouchtchev. Cette dernière n’empêche nullement les tensions mais propose une nouvelle organisation des relations internationales, faites de rencontres, de sommets, de négociations. La photographie devient le support d’une autre lecture de la guerre froide, permet de mettre en place l’un des modèles, mais surtout de montrer comment s’établissent des relations nouvelles, par rencontre entre les chefs d’État, comment ces dernières servent la propagande des États. A l’échelle des superpuissances se surajoutent celle des puissances moyennes. Le cas de la France, hôte du premier chef d’État soviétique à faire le déplacement, doit être expliqué. Nouvelle puissance nucléaire, dotée d’un nouveau régime dont le président appelle à la grandeur et au rang en matière de diplomatie, la France voit dans ce voyage un moyen d’affirmer son originalité au sein du bloc occidental. Nous sommes alors bien dans l’intitulé du programme, les débuts de la Ve République : un projet liant volonté d’indépendance nationale et modernisation du pays.

        La photographie sert aussi de support à l’étude de la vie politique intérieure en montrant la place et le rôle du parti communiste français, parti d’opposition qui a tout intérêt à rendre ce voyage réussi en mobilisant ses troupes, nombreuses sur la photographie et dans tous les endroits visités par Khrouchtchev.

        En pratique, l’analyse de la photographie permet de mettre en évidence les composantes qu’une recherche numérique vient expliquer pour créer tout type de productions d’élèves (paragraphe argumenté de dissertation ou de composition, fiche biographique, commentaire de document…) :    

        • Portrait de Khrouchtchev support de l’étude de l’État soviétique (place de l’homme dans le fonctionnement du régime, données biographiques de la Révolution à la coexistence pacifique…).
        • Organisation des voyages à l’étranger (le précédent aux États-Unis, le cas français, de nombreux travaux accessibles sur internet présentent et commentent ce voyage).
        • Lieux visités, place de Verdun dans une approche historique et de propagande (héritage des guerres du vingtième siècle, place de l’Allemagne dans la guerre froide, dans les relations franco-soviétiques, temps de construction européenne).

        Les terminales technologiques trouvent également matière dans ce type de document dans le Thème 2 – Du monde bipolaire au monde multipolaire à faire entre 5 et 7 heures :

        Le monde de 1945 à nos jours. Guerre froide. Monde bipolaire. Décolonisation. Monde multipolaire. Construction européenne.

        Le document est tout à fait propice à « montrer les dynamiques géopolitiques qui sous-tendent l’évolution du monde de 1945 à nos jours, depuis la bipolarisation de la guerre froide jusqu’au monde multipolaire marqué par de nouvelles formes de conflits ». L’étude du chapitre 3, la France, une nouvelle place dans le monde trouve également dans le document un support intéressant et utile pour nourrir une réflexion sur Les débuts de la Ve République : un projet liant volonté d’indépendance nationale et modernisation du pays.

        L’approche multiscalaire permet de passer d’un fait local à sa dimension internationale.

        Bibliographie et sitographie.

        Thomas Gomart, Double détente, les relations franco-soviétiques de 1958 à 1964, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2005.
        Elizaveta Spiridonova, La visite de N. S. Khrouchtchev en France (23 mars-3 avril 1960). Histoire. 2014. ffdumas-01016923f

        De nombreux articles de la presse nationale et locale abordent ce voyage et sont consultables sur Internet.

      • Publié le 15/07/2022
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