Numéro de la photographie : FI-0099-0171
Cette carte postale d’une soupe communiste à Mont Saint Martin date de 1905. La carte postale est un média en plein essor pendant la Belle Époque. Cet essor est possible grâce à l’invention d’un procédé nouveau, la phototypie, dont l’emploi se généralise en 1902 et qui permet une production en grand nombre. Cette carte postale est présente en 2 exemplaires dans le fonds Image Est (l’une des cartes est oblitérée -> https://www.image-est.fr/Fiche-documentaire-Ouvriers-gr%C3%A9vistes-_Mont-Saint-Martin_-610-2570-2-0.html?ref=eac07fde4d47f1477d60ce2fbcf23144)
Peu d’informations sont indiquées sur la carte postale : le lieu, Mont Saint Martin et Longwy Bas et l’imprimeur, Thuillet frères, entreprise installée à Reims. Il n’y a pas de timbre et le verso n’est pas numérisé donc nous ne savons pas si cette carte a été écrite et expédiée.
Environ 70 personnes se trouvent sur cette photographie avec une majorité d’hommes mais on distingue environ dix femmes et plusieurs enfants (garçons et filles).
Quelques hommes tiennent des documents dans leurs mains et on identifie deux journaux « Pour la République » et « Le petit pa… » et plusieurs feuilles et carnets. La photographie semble être prise dans la cour d’une des usines.
On distingue les cuisines roulantes c’est-à-dire ce qui permet de réchauffer les plats. Un groupe de femmes se trouve juste derrière ces roulantes et on peut supposer qu’elles sont en charge de la cuisine et du service.
Le groupe est organisé sur trois plans. Au premier plan, devant les roulantes, se trouve un groupe composé d’hommes et de quelques jeunes garçons.
Au deuxième plan derrière les roulantes, un peu surélevé, des femmes (à gauche, une seule assez âgée à droite avec une petite fille dans les bras) et des hommes d’âge varié.
Et enfin, un groupe encore plus en hauteur (muret, butte ?) avec des hommes et des jeunes gens, une seule femme. Puis plus haut, avec des personnes tronquées sur ce qui ressemble à une balustrade, on peut voir des robes de fillettes.
En juin 1880, les principaux maîtres de forge du Bassin de Longwy (Jean-Joseph Labbé, Baron Oscar d'Adelward, Comte Fernand de Saintignon, Gustave Raty, d'Huart Frères, Robert De Wendel) se regroupent pour fonder l'usine de Mont-Saint-Martin et constituent ainsi la Société des Aciéries de Longwy. Cette société regroupe les usines de Port Sec et du Prieuré (1865) comprenant chacune trois hauts-fourneaux : sept à Mont-Saint-Martin et deux à Moulaine.
En 1905, les grèves qui se tiennent entre avril et décembre sont le premier mouvement important qui survient dans le bassin de Longwy-Villerupt. Aucune revendication des grévistes n’a obtenu gain de cause mais il permet l’unification des syndicats de gauche et la mobilisation de l’ensemble des ouvriers du bassin minier. Pendant le mouvement, des soupes populaires sont mises en place.
Ces soupes sont organisées sous le nom de soupes populaires, repas de grève, repas de soutien ou soupes communistes. Ces repas ont deux objectifs : nourrir les grévistes les plus fragiles au plan économique et leurs familles et créer des solidarités, maintenir une dynamique de mobilisation.
« Sous un grand baraquement édifié gracieusement par les ouvriers du bâtiment, aidés des grévistes, des marmites immenses furent installées. On y ajouta des plats, des ustensiles de cuisine, et les femmes, courageusement, se mirent à l’œuvre avec entrain. Des équipes furent formées rapidement pour recueillir ce qu’il fallait pour mettre dans les marmites et faire cuire la soupe et le bœuf, les pommes de terre, les haricots, le riz, etc... que des donateurs aidaient à acheter ou à fournir. [...] Quelques débrouillards parmi les grévistes s’improvisaient cuistots et faisaient d’excellente cuisine. Les femmes s’enthousiasmaient et s’ingéniaient à être utiles. Il y avait pour tous, deux repas par jour [...]. On comptait, chaque jour, 4.200 soupes ou portions. Avec cela, les grévistes ne mourraient pas de faim. [...] On mangeait bien et on mangeait bon, et surtout on mangeait chaud. Tout cela était appréciable pour tenir jusqu’au bout. »
La carte postale de Mont Saint Martin montre bien l‘organisation décrite par Georges Yvetot, ancien secrétaire de la Fédération des Bourses du travail : présence des femmes, roulantes nombreuses et permettant de préparer et servir plusieurs centaines de repas chauds quotidiennement. En outre, ces soupes, organisées par les syndicats leur permettent de garder un lien avec leur base.
Après la Première Guerre mondiale, la terminologie « soupe communiste » disparait au profit de « soupe populaire » ou « soupe commune ».
Grèves du fer et soupe communiste : https://www.image-est.fr/Fiche-documentaire-Gr%C3%A8ves-du-fer-_Meurthe-et-Moselle_-610-2454-2-0.html?ref=eac07fde4d47f1477d60ce2fbcf23144
Soupes communistes des ouvriers du syndicat jaune travaillant à l'intérieur de l'usine à Mont-Saint-Martin : https://www.image-est.fr/Fiche-documentaire-Gr%C3%A8ves-du-fer-_Meurthe-et-Moselle_-610-2453-2-0.html?ref=eac07fde4d47f1477d60ce2fbcf23144
Grèves de 1905 à Mont Saint Martin : https://www.image-est.fr/Fiche-documentaire-Militaires-devant-les--aci%C3%A9ries-_Mont-Saint-Martin_-610-2510-2-0.html
Dossier La grève dans le bassin minier de Longwy, Image Est : https://www.image-est.fr/Actualit%C3%A9s-La-gr%C3%A8ve-dans-le-bassin-minier-de-Longwy_-1905-1005-371-0-0.html
Les repas de grève : un répertoire de mobilisation éprouvé de longue date, https://solal.hypotheses.org/1625
Camille Baillargeon, Soupes communistes, soupes de grèves, Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale : http://www.ihoes.be/PDF/C_Baillargeon-Soupe_populaire_2.pdf
Serge Bianchi, Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques , Les « soupes communistes » dans les grèves de la Belle Époque (1900-1914), 2015, pp. 27-43
Gérard Noiriel, Immigrés et prolétaires. Longwy 1880-1980, Marseille, Agone, coll. « L'ordre des choses », 2019, 616 p.
Bouchet Thomas, Gacon Stéphane, Jarrige François, Nérard François-Xavier et Vigna Xavier, La gamelle et l’outil : manger au travail en France et en Europe de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Nancy, Arbre bleu éditions, 2016, 367 p.
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