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Grands angles
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      • De Ferembal à Provençal... L'épopée d'une grande entreprise à Nancy 1931-1982

      • Vue aérienne de l'entreprise Ferembal place Provençal à Nancy en 1952. 
        © Lapie – Image’Est, Coll. Georges Mourand - FI-0873-0011

        L’histoire d’une entreprise est difficile à restituer et celle de Ferembal reste à écrire ! D’abord et avant tout, parce qu’elle nous relie directement à une mémoire collective évanescente. Qui ne se souvient pas d’un ustensile de cuisine ou d’une boîte de conserve, à l’image du Bouillon Kub, la plus célèbre fabriquée par Ferembal ou encore de ces magnifiques boîtes de Bergamotes ? Ces objets en fer-blanc, multiples et variés qui ornaient autrefois les étagères des cuisines de nos grands-mères, occupent désormais un espace mémoriel ! Ensuite, parce que cette entreprise a profondément marqué un territoire par ses transformations successives et plusieurs générations de personnes sur un demi-siècle !

        GENÈSE D’UNE ENTREPRISE

        Robert Bindschedler (1879-1968)
        © Image’Est, Coll. Patrick Bindschedler

        L’histoire de l’entreprise Ferembal est étroitement liée à la famille Bindschedler qui implantera à Nancy une première usine dès 1931, que trois générations successives ne cesseront de fructifier jusqu’en 1981.

        Les Bindschedler sont originaires de la vallée du Toggenburg en Suisse alémanique au sud de Saint-Gall. Vers 1885, Robert Bindschedler, fondateur de l’entreprise nancéienne, quitte cette vallée helvétique en compagnie de ses parents et frères et sœurs pour émigrer aux États-Unis. À la disparition de son père, Robert et sa famille se voient contraints de rentrer en Suisse.

        Il quitte à nouveau sa terre natale pour la Grande-Bretagne où il est embauché dès 1898 chez Tin Savoy, fabricant de fer-blanc. En quelques années seulement, il gravit rapidement les échelons au point que sa société le mandate pour la représenter en France et en Suisse et y vendre vers 1900 du fer-blanc (acier mince recouvert d’étain) anglais. Il s’installe alors à Paris.

        Lors de ses pérégrinations commerciales, il apprend qu’un vieux moulin désaffecté, situé sur la Grosne, un affluent de la Saône, est à vendre à Massilly (Saône-et-Loire). Il en fait l’acquisition en 1911, pour y développer au lendemain de la Première Guerre mondiale sa ferblanterie pour la fabrication de tout un assortiment d’articles de cuisine et de ménage. Le succès est au rendez-vous et plusieurs entreprises sont créées dont la société Simplex. Cette dernière conditionnait des boîtes métalliques que l’on fermait avec des attaches autorisant ainsi les conserves à usage familial dans de bonnes conditions.

        Avec un sens inné des affaires, il monte plusieurs imprimeries sur métal en 1925 à Aubervilliers, Rouen, Marseille, puis à Massily, Nancy et Bordeaux. Le marché du fer-blanc est alors en pleine effervescence. C’est l’âge d’or des boîtes métalliques richement décorées qui feront le bonheur des collectionneurs.

        • © Image'Est - Fonds AVL329

        • © Image'Est - Fonds AVL330

        C’est à cette période que Robert Bindschedler se soucie de l’éducation de son fils. Pierre Bindschedler (1912-1980) est plongé dès son plus âge dans le domaine du fer-blanc. Après une formation au Pays de Galles, c'est surtout aux États-Unis, à Camden (New Jersey) auprès de l’American Can Co que Pierre, alors âgé de vingt ans, va apprendre véritablement dès 1932 son métier de « fabricant de boites ». En 1937, il s’installe à Nancy et prend la direction de Ferembal.

        NAISSANCE DE FEREMBAL

        À son retour des États-Unis, Pierre apporte son soutien et ses connaissances nouvellement acquises dans la fondation d’une nouvelle entreprise, Ferembal et, auparavant au sein d’autres entreprises familiales. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le manque de main-d’œuvre favorise le développement de l’automatisation dans certaines entreprises. Les premiers trains automatiques Bliss pour la fabrication de boîtes en fer-blanc provenant de Nouveau Monde gagnent la France vers 1920. Cependant, il faudra attendre plusieurs années encore avant que les « tours de main » ancestraux soient remplacés par les machines…

        On ignore qui est à l’origine de cette appellation et pourquoi l’entreprise s’est implantée à Nancy. Le choix de cette ville pourrait s’expliquer par un tissu industriel assez dynamique dans ce quartier (des filatures, une fabrique de chapeaux de paille, mais surtout la laiterie Saint-Hubert[ (1904-1974), l'entreprise F. Schertzer Construction en fer et une fonderie de cloches).

        Ferembal doit sa naissance en août 1931 au regroupement de deux petites sociétés antérieures, transformatrices de fer-blanc : La Compagnie franco-continentale des boîtes métalliques et La Compagnie des bouchages hermétiques Simplex.  

        Entrée originelle de l’entreprise quai René II
        © Studio Jam (Nancy) – Image’Est, Coll. P. Bindschdler - FI-0076-0232

        À l’origine, le terrain occupé par l’entreprise se situait près du quai René II qui se déploiera par la suite vers la place Provençal pour devenir l'entrée principale en 1950. Le cliché FI-0076-0232 illustre la première entrée de l'entreprise à l'angle de la rue Marie Leszczynska et du quai René II à Nancy. 

        La marque de fabrique Ferembal, déposée en France le 24 août 1931 sous le n°183571 pour la société éponyme, veut afficher son savoir-faire dans la fabrication et la vente de produits de fer-blanc (emballages métalliques, boîtes de conserve, boîtes pour biscuits, coffrets, capsules, récipients pour l’agriculture, conserverie industrielle, domestique, médical, pharmaceutique…). Mais c’est surtout dans le domaine du conditionnement de produits alimentaires que l’entreprise va exceller durant quelques décennies.

        En 1937, Pierre est chargé de la direction de l’usine nancéienne qu’il développe avec la collaboration de M. Gaspard et un chimiste à la réputation sulfureuse, M. Locuty. Ce dernier va jouer un rôle prépondérant dans le développement de la nouvelle société et notamment dans le secteur de la fabrication de vernis compatibles avec la conservation des aliments en boîte.

        Récipient métallique conçu par Ferembal
        © Image’Est, Coll. G. Mourand - FI-0873-0014

        Dans le domaine de la bière et de son conditionnement en boîte métallique, Ferembal lance en 1938, en collaboration avec la brasserie de Vézelise, Moreau & Cie, la première boîte métallique de bière en France avec le dépôt du brevet 816-122, le 9 avril 1937 par Robert Bindschedler. La nouveauté consistait dans une boîte trois pièces et surtout un revêtement intérieur (cire micro-cristalline) neutre vis-à-vis du contenu. Malgré les milliers de boîtes produites, la guerre porte un terme à ce nouveau marché, la priorité étant donnée aux conditionnements alimentaires.

        Le conditionnement en boîte suscite de nombreuses recherches qui imposeront notamment la création d’un laboratoire au sein de Ferembal en 1940. 

        Laboratoire de l'entreprise Ferembal créé en 1940  © Image’Est, Coll. P. Bindschdler - FI-0076-0227

        Les nombreuses recherches en laboratoire, permettront des avancées notoires dans le domaine des vernis alimentaires, mais aussi l’étamage électrolytique, l’impression sur métal et surtout les problèmes liés à la durée de conservation des boîtes pleines.

        Durant la Seconde Guerre mondiale, deux événements viennent ponctuer l’essor de l’entreprise. L’absorption en 1942 des Établissements P. Willame et Cie (Clichy) et la société du Ferblanc Imprime à Bordeaux, qui positionne stratégiquement Ferembal en région parisienne et dans le sud-ouest, et une nouvelle orientation technique pour la production d'emballages métalliques destinés à la conservation des aliments par stérilisation.

        Sur le plan purement humain, un autre événement important marquera sans aucun doute la vie et la carrière de Pierre Bindschedler, celui de son engagement dans la Résistance.

        PÉRIODE DE LA RÉSISTANCE

        Dès l’arrivée des Américains sur le territoire lorrain, Pierre Bindschedler devient officier de liaison de l’armée Patton avec laquelle il terminera les hostilités à Lubeck. Quelques lettres inédites apportent une nouvelle approche sur cette période, vécue notamment aux côtés de son ami, le colonel Gilbert Grandval (1904-1981).

        Lettre de Grandval  à P. Bindschedler du 6 novembre 1973 
        © Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0352

        En novembre 1973, Grandval est sollicité par les éditions Hachette pour la publication d’un ouvrage intitulé, La Libération de l’Est de la France co-écrit avec le professeur Jean Collin.

        Pour mener à bien ce travail, il s’adresse à son ami Pierre où, dans une première lettre du 6 novembre 1973, il lui demande des précisions sur la date de l’ « Affaire d’Arches » (Vosges) et ses participants, qu’il compte relater dans son ouvrage. Cet épisode se situe en 1944.

        C’est en 1943, que Gilbert Grandval, sous-lieutenant pilote de l’armée de l’air au début de la Seconde Guerre mondiale, entre dans la Résistance au sein du groupe « Ceux de la Résistance » (CDLR) au nord de la France. Arrêté par les Allemands à Paris, le 6 août 1943, il est relâché faute de preuves et assume des fonctions plus importantes dans la Résistance en tant que commandant des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) dans huit départements du nord-est de la France.

        Il joue un rôle déterminant dans la libération de la ville de Nancy en septembre 1944 et sera décoré le 25 septembre 1944 de l'Ordre de la Libération par le général de Gaulle, président de la République.

        Dans sa lettre de réponse du 6 novembre 1973, Pierre Bindschedler relate l’ « Affaire d’Arches » et apporte des informations sur l'arrivée des Allemands au moment-même où la réunion devait avoir lieu, un parachutage en coordination avec le chef des F.F.I. Vosges, l'arrestation et la libération de Pierre Bindschedler et une importante somme d’argent sauvée.

        • Lettre de P. Bindschedler à Grandval, 6 nov.  1973. 
          © Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0353

        • Lettre (suite) de P. Bindschedler à Grandval
          © Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0354

        D'autres lettres apporteront des précisions sur l'identité de résistants vosgiens dont un sera fusillé par les Allemands au cours d'une embuscade à Gérardmer, l'affaire des 35 millions récupérés dans la forêt de Charmes et le parachutage de fonds qui finissent dans les coffres de Ferembal, quai René II à Nancy.

        AUTOUR DE GRANDVAL ET PROUVÉ

        Le 10 mars 1945, le colonel Grandval, commandant de la 20e région militaire, convie à une réception au Palais du Gouvernement à Nancy, plusieurs personnalités militaires américaines, qui ont présidé à la libération de la ville un an plus tôt. Ce dîner eut lieu dans le cadre de la création de l'Institut franco-américain à Nancy à la même date, en présence (de gauche à droite sur le cliché ci-après) : 

        Franco-American Dinner © ph. Sgt. Gus Lempeotis – Image’Est, Coll. P. Bindschedler, FI-0076-0346

        Lieutenant-général Jacob L. Devers (6th army Group commander) ; Madame Grandval ; général Arthur R. Wilson, commandant de la " Continental advance Section " ; Madame Bindschedler ; colonel A. N. Stubblebine Jr. (chief of staff continental advance section) ; colonel Tony Albord (Deputy commander, Continental advance Section). 

        Deux femmes eurent droit aux honneurs de cette solennité. Ce cliché pris par les services américains de l'U.S. Signal Corps rend hommage au rôle non négligeable qu’elles purent jouer durant la Seconde Guerre mondiale et au sein de la Résistance.

        Dessin de J. Prouvé réalisé lors d’un dîner chez M. et Mme Bindschedler à Nancy 
        © Image’Est, Coll. P. Bindschedler

        Dans un Livre d’or de la famille Bindschedler, plusieurs pages évoquent les liens indéfectibles établis avec quelques officiers américains ou amis proches. Parmi les dédicaces qui émaillent les nombreux témoignages de sympathie, on pourrait retenir ce dessin de Jean Prouvé.

        Inauguration de l'Institut franco-américain à Nancy au Palais du Gouvernement le 10 mars 1945 : J. Prouvé, maire de Nancy ; major R. Smith, co-directeur de l'Institut franco-américain ; J. Blache, préfet de Meurthe-et-Moselle ; R. Immell, commandant-adjoint ; Grandval, commandant de la 20e région militaire ; P. A. Chailley-Bert , commissaire de la République. © ph. Sgt. Gus Lempeotis – Image’Est, Coll. P. Bindschedler, FI-0076-0297.

        Avec parcimonie et pertinence, Prouvé donne à lire, à observer et à penser… À commencer par cette boîte de conserve ouverte au centre de laquelle figure le sigle des F.F.I. (Forces Française de l’Intérieur), deux « forces » soudées dans une même volonté de résistance face à l’occupant. Une autre lecture peut également s’y superposer, une industrie au service d’un combat. 

        Si l’on ignore ce que peut représenter l’élément en arrière-plan, peut-être en relation avec l’architecture de la « reconstruction », un autre symbole figuré par les deux lettres « U S » (United State) au-dessus de deux sabres croisés ne sont pas sans rappeler l’union et l’implication des Américains dans la libération du territoire nancéien. En deux mots, le combat dans l’union des forces…

        EN SARRE

        Le 10 juillet 1945, la France revenait à la Sarre, écrivait Gilbert Grandval  (1904-1981), nommé haut gouverneur militaire de la Sarre un mois après, le 30 août, par le général Koenig, commandant en chef des forces françaises en Allemagne et chargé de relancer et diriger l'activité économique de ce territoire placé sous administration française. La phrase est sans équivoque. Ce territoire, riche en charbon, est convoité au titre des dommages de guerre. L’histoire nous rappelle les relations étroites de vassalité et de parenté qui existaient entre la France et la Sarre depuis le Moyen Âge et qui se maintiendront les siècles suivants et bien après, sous le règne de Louis XIV, fondateur de la ville Sarrelouis, restée française jusqu’en 1815 et de Louis XV ! 

        De 1680 à 1711, trois décennies durant, ce territoire était une province française qui sera complètement incorporée après la Révolution de 1789. Après la chute de Napoléon, la Sarre est intégrée à la Prusse et à la Bavière, pour revenir à nouveau sous le giron français en 1918, et allemand en 1935 sous la pression d’un plébiscite orchestré par le régime nazi.

        Les années de guerre et surtout les derniers combats de l’hiver 1944-1945 avaient plongé ce territoire dans un véritable chaos, détruisant toute activité industrielle ou presque et gelant les rouages administratifs. Après le départ des Américains, les autorités françaises prennent les rênes du pouvoir. Mais tout est à reconstruire. « Les ponts étaient coupés, les routes obstruées, les sources taries (…) Le pays étant appelé à rentrer dans l'économie française, il fallait que sa renaissance industrielle fût étroitement contrôlée par des Français, tant dans l'administration que dans les usines elles-mêmes ". rappelle un texte de mai 1947 .

        Pour cela, Gilbert Grandval, fait appel à son ami, Pierre Bindschedler et lui confie la « Direction de l’économie et du Plan », instance implantée à Sarrebruck (Allemagne), placée sous l'autorité du Gouvernement militaire français. Il occupera cette fonction de 1945 à 1947, avec pour mission de relancer chaque branche de l'industrie sarroise fortement affaiblie par les années de guerre. À la fin 1945, le recensement et le classement de l’industrie sarroise étaient terminés, tandis qu’au 1er juin 1947, la plupart des usines étaient remises en route. Durant son mandat à Sarrebruck, Pierre Bindschedler confie la gestion de Ferembal à son bras droit, M. Gaspard. Mais, avec l’adoption d’une nouvelle constitution le 15 décembre 1947, faisant de la Sarre un état distinct de la France et de l’Allemagne, il se désengage de sa mission première et retourne à Nancy.

        • Pierre Bindschedler à son bureau à Sarrebruck entre 1945 et 1947 © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0277

        • Pierre Bindschedler à Sulzbach (Sarre) le 12 août 1945 © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0278

        • Pierre Bindschedler à Sarrebruck au lendemain de la Seconde Guerre mondiale © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0340.

        • Soldat américain inscrivant " Export to France " sur un train chargé de charbon extrait des mines de Sarre destiné à la France © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0009.

        • Train chargé de charbon sarrois destiné à la France. © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0008.

        Il faudra attendre 1946 pour constater les effets bénéfiques d’une politique de reconstruction à l’image de ces photographies ci-après (FI-0076-0001 et 0003) qui illustrent le contexte de reprise industrielle où le colonel Grandval (coiffé d’un képi) assiste à la première coulée du haut-fourneau n°1 à Dillingen (Sarre, Allemagne) le 18 octobre 1946.

        • Première coulée d’un haut-fourneau à Dillingen le 18 octobre 1946 en présence du colonel Grandval  
          © Anonyme - Image’Est, - Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0001.

        • Allocution prononcée près d'un chevalement de mine de charbon en Sarre  © Paul Hartmann – Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0003.

        Durant les trois années de mandat en Sarre, Pierre Bindschedler effectue de nombreux voyages en avion ou en automobile entre Sarrebruck et Nancy. Malgré son investissement dans cette réorganisation de l’économie sarroise avec cette volonté de voir la Sarre opter pour la France, l’histoire en décidera autrement. Ce qui l’obligera à rejoindre son poste à Nancy en 1947 et de poursuivre le développement de son entreprise avec de nouveaux collaborateurs dont M. Thiébaud.

        • Atterrissage d'un avion à Sarrebruck  vers 1947. Il s'agit d'un modèle " Piper " utilisé par P. Bindschedler  pour ses allers-retours entre Nancy et Sarrebruck © Anonyme Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0285

        • G. Grandval (coiffé d’un képi à gauche) en présence du capitaine P. Bindschedler, (de face), sortant d'une entrevue en Sarre © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0342.

        • G. Grandval au centre et P. Bindschedler à gauche en Sarre © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0288.

        • Le général américain (au centre) Arthur R. Wilson, commandant de la " Continental advance Section ", le colonel Aubusson Nerot et le capitaine P. Bindschedler (à gauche) en Sarre © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0344.

        En Sarre, Jean Prouvé est également sollicité dans cette politique de reconstruction de logements détruits par des années de guerre. Son modèle de maison, que l’on peut facilement démonter et remonter, aurait pu convenir à ce territoire. Avec les aciéries sarroises, Prouvé espérait produire en grande série des maisons à structure métalliques. Malheureusement, seuls quelques prototypes seront réalisés. Les maisons de démonstration (8m x 8m) conçues par les Ateliers Jean Prouvé, et montées à Sarrebruck (Allemagne) en 1947 rendent compte du type d’habitation. 

        • Maison de démonstration conçue par les Ateliers Jean Prouvé à Sarrebruck en 1947 et utilisée comme " Centre social par le gouvernement militaire français " © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0282.

        • Intérieur d'une maison de démonstration (8 m x 8 m) conçue par les Ateliers Jean Prouvé à Sarrebruck en 1947 © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0281.

        • Intérieur d'une maison de démonstration (8 x 8 m) conçue par les Ateliers Jean Prouvé à Sarrebruck en 1947 © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0280

        FEREMBAL DE L’APRÈS-GUERRE À LA FERMETURE

        Dans l’immédiat après-guerre, Ferembal bénéficie d’un contexte économique régional favorable pouvant assurer son développement. Les secteurs de l’élevage et des abattoirs étroitement liés aux conserves de viande, celui des cultures fruitières (quetsches, mirabelles…), sans oublier les richesses salifères et surtout dans l’agroalimentaire, les grandes brasseries lorraines et alsaciennes et les usines d’embouteillage des sociétés thermales à Vittel, Contrexéville, Plombières… sont autant de débouchés dans le domaine du conditionnement de boissons carbonatées ou plates ou autres boîtes métalliques.

        Mais c’est surtout dans l’image de son entreprise que Pierre Bindschedler veut apporter des transformations radicales. Pour cela, il se tourne vers son ami, Jean Prouvé. Les deux hommes ont appris à se connaître au sein de la Résistance dès 1943. 
        De cette amitié naîtra une collaboration professionnelle à l’issue du conflit. Vers 1946-1947, les Bindschedler s’impliquent personnellement dans le financement des Ateliers Jean Prouvé à Maxéville (Meurthe-et-Moselle) et pourvoient à leur développement. Rappelons que les deux entreprises ont été créées la même année, en 1931 et connaîtront un destin similaire. 

        Entrée de l'entreprise Ferembal place Provençal à Nancy dans les années 40. 
        © Anonyme - Image’Est,  Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0266

        Entrée de l'entreprise Ferembal place Provençal à Nancy au début des années 40 © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0253

        Trois clichés, pris à près de dix ans d’intervalle caractérisent ce développement architectural novateur. Le premier coté FI-0076-0266 évoque l’entrée de l’entreprise Ferembal place Provençal à Nancy, peu accueillante de prime abord et typique d’une architecture industrielle des années trente.

        Le second cliché (coté FI-0076-0253) illustre un attelage hippomobile passant devant le garde-barrière. L’entrée de l’entreprise en arrière-plan et la chaufferie n’ont subi aucune transformation. On constatera en revanche les premières réalisations conçues aux Ateliers Jean Prouvé que sont la guérite du garde-barrière, la barrière pivotante et le garage à vélos juste à droite. 

        Vue aérienne de l'entreprise Ferembal place Provençal à Nancy en 1952. 
        © Lapie - Image’Est, Coll. Georges Mourand - FI-0873-0011

        Le troisième cliché (coté FI-0873-0011) atteste d’une évolution fondamentale dans la collaboration entre les Ateliers Jean Prouvé et l’entreprise Ferembal en raison des transformations conséquentes. On ne reconnaît plus l’ancienne usine fondue dans la nouvelle. L’ancienne chaufferie toujours présente à droite en bordure d’un mur constitue l’ancienne limite de l’entreprise qui s’est agrandie avec la construction de dix ateliers supplémentaires (sheds), mais surtout l’édification du bâtiment de la Direction à laquelle sont accolés de nouveaux hangars à vélos à droite. Une nouvelle façade, conçue par Jean Prouvé et réalisée par les architectes Jacques et Michel André, constitue l’entrée principale, métamorphosée, comportant désormais d’importantes surfaces vitrées et métalliques. 

        Nouvelle entrée de l'entreprise Ferembal place Provençal à Nancy après 1952. © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0208

        Deux immenses piliers trônent à l’entrée principale surmontée du nom de l’entreprise désormais bien plus visible qu’autrefois. L’espace est incontestablement plus accueillant, fonctionnel et agrémenté de jardins décoratifs.

        L’innovation réside sans contexte dans cette volonté de coupure, une conception architecturale avant-gardiste pour l’époque. Sur le même modèle que la guérite d’entrée de l’usine, les nouveaux bureaux de la direction (clichés ci-après) de l’entreprise voient le jour en 1950 conçus par l’architecte Henri Prouvé. 

        • Bureau de la Direction © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0209

        • Bureau de la Direction © Anonyme - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0210

        • À droite, au centre d'un carré fleuri, la figurine, symbole de l’entreprise. © Anonyme - Image’Est, Coll. G. Mourand - FI-0873-0010

        • Boy-Fe, figurine de la firme © Image'Est - Fonds AVL325 

        Modèle de soutireuse-sertisseuse conçue par l'entreprise Ferembal pour la brasserie Mapataud à Limoges © Photo Neyens (Limoges) - Image’Est, Coll. P. Bindschedler - FI-0076-0265

        Durant les années cinquante, Ferembal innove dans le domaine technique. Pour assurer de nouveaux débouchés et notamment en pleine guerre d’Indochine (1946-1954), l’usine nancéienne conçoit de nouvelles machines très performantes, des groupes de soutireuses-sertisseuses qui équipent quelques grandes brasseries (Champigneulles, Saint-Nicolas-de-Port, Vézelise, Charmes en Lorraine ; Kronenbourg, Adeslhoffen, Le Pêcheur en Alsace ; Mapataud, près de Limoges ; Ruoms en Ardèche).

        La période 1948-1970 correspond aux années de croissance et de prospérité de l’entreprise, mais aussi au départ en 1954 de Pierre Bindschedler qui perd le contrôle de Ferembal au profit des Forges Françaises. Le destin de Pierre est désormais rattaché à l’usine de Massilly (Saône-et-Loire) qu’il rachète en 1958 au Groupe Ferembal. Une nouvelle aventure commence...

        Vue aérienne des ateliers la société Ferembal pris de la place Provençal à Nancy en 1952
        © Lapie - Image’Est, Coll. G. Mourand - FI-0873-0008

        Quelques mois avant l’arrivée de M. Thiébaud à la direction de Ferembal, des travaux d’agrandissements sont entrepris sur le terrain des Sœurs Saint-Charles. Avec ses 600 employés recensés au cours de l’exercice 1968-1969, l’usine de Nancy est la plus importante du groupe. 

        Dans le paysage industriel nancéien de la fin des années soixante, Ferembal peut fièrement afficher sa réussite à l’image de son implantation sur l’îlot Provençal : d’immenses ateliers avec un raccordement au chemin de fer sur le quai René II (cliché coté FI-0873-0008). Mais aussi, une imprimerie et un atelier de vernissage « équipés de ligne à haut rendement, et répondant aux techniques les plus modernes ». Concernant les services de fabrication, on compte un atelier de presse de haute performance, un atelier de montage automatique et semi-automatique (boîtes spéciales) avec notamment ce remarquable « train à boîtes à bière à grande vitesse ». Parmi les autres spécificités, on dénombre un important service de mécanique et d’entretien, des services administratifs et commerciaux, un bureau d’études et surtout les unités d’essais et de contrôle qualité.

        Depuis sa création, Ferembal n’a cessé d’innover portant l’accent sur le haut niveau de technicité mécanique et chimique de ses ateliers et laboratoires répondant sans cesse aux évolutions de l’industrie alimentaire. L’automatisation a permis des cadences de productions en adéquation avec les besoins du marché sans cesse croissants. 

        Si l’usine nancéienne a pu accroître sa productivité durant cette période, c’est aussi en raison de nouveaux débouchés trouvés aux emballages notamment en direction de grands terroirs agricoles (bassin parisien, Nord, Bretagne…). Toutefois, au début des années soixante-dix, la boîte métallique à liquide constitue un enjeu crucial au niveau des exportations tant sur le territoire lorrain, alsacien et transfrontalier qu’en direction notamment des États-Unis où elle connaît une expansion importante.

        Démentèlement de l’usine, années 90 © Anonyme - Image’Est, Fonds Scalen

        Mais l’avenir de l’entreprise commence déjà à se dessiner ailleurs. En 1982, pour des raisons stratégiques et environnementales, l’usine se délocalise à Ludres (Meurthe-et-Moselle) dans des locaux mieux adaptés. L’espace laissé libre est vendu à l’EPML (Établissement public de la Métropole Lorraine) ; il sera occupé un temps par un fabricant de palettes de bois avant que les friches ne soient totalement démantelées pour la construction d’un lotissement, d’un gymnase, d’une résidence universitaire et d’un terrain de sport.

        Conclusion

        Ferembal décline une histoire aux multiples facettes qui s’étale sur plusieurs décennies et touche plusieurs villes françaises et étrangères. Mais c’est à Nancy, capitale des Ducs de Lorraine, qu’elle laissera sans doute une empreinte indélébile qui a marqué des générations de travailleurs et toute une mémoire de quartier... 

        De nos jours, il n’est plus possible de se représenter une entreprise de 50 000 mètres carrés implantée sur tout un îlot d’un quartier ! Encore moins, la fébrilité de son activité… Peut-être, un jour, les technologies modernes pourraient exaucer ce vœu. Il est également tout aussi présomptueux d’interroger les mémoires des habitants de ce secteur qui méconnaissent ou ignorent probablement ce passé industriel. Il subsiste toutefois ces précieuses images sauvegardées et valorisées par Image’Est à Nancy qui œuvre pour la préservation de cette mémoire…

        NB - Le texte ci-avant est présenté dans une version synthétique. La version complète (notes, bibliographie et ensemble des photographies) a fait l’objet d’une publication d’un livre disponible en ligne (sur demande) ou consultable au Pôle Patrimoine de l’association Image’Est à Nancy. Les photographies sont également accessibles sur le site de l’association www.image-est.fr

         

        Je tiens à remercier chaleureusement, Monsieur Patrick Bindschedler, Président du Conseil de Surveillance de l’entreprise Massily Holding (Saône-et-Loire), qui a eu l’immense générosité de m’accueillir à Mâcon en décembre 2019 et de me confier ses précieux souvenirs que je me suis astreint à restituer le plus fidèlement possible… Blaise Aurora

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