Voyage parlementaire au Cambodge
- Année
- 1984
- Réalisation
- Jean VALROFF
- Ayant(s) droit
- Jean VALROFF
- Durée
- 00:32:52
- Coloration
- Couleur
- Support original
- Film super 8
- Son
- Sonore
- Fonds
- Jean VALROFF
En juillet 1984, une délégation parlementaire française effectue un voyage officiel au Cambodge, à l’initiative de la présidence de la République. Cinq ans après la chute du régime khmer rouge, François Mitterrand souhaite envoyer un groupe de députés de différents partis pour mieux comprendre la situation politique, sociale et humanitaire de ce pays marqué par l’un des génocides les plus meurtriers du XXe siècle. Il s'agit également de mesurer comment la France, ancienne puissance coloniale, est perçue dans un pays où son rôle passé comme son absence d’action récente suscitent interrogations et critiques.
Parmi les six députés choisis pour représenter proportionnellement les différents groupes politiques de l’Assemblée nationale figurent deux socialistes, Jean Valroff et Louis Moulinet, mais aussi Robert Montdargent et Théo Vial-Massat pour le Parti communiste, Jean Desanlis (UDF), et Xavier Deniau (apparenté RPR). Tous sont membres du “Groupe d’Étude sur le problème cambodgien” à l’Assemblée nationale. Avant leur départ, les parlementaires reçoivent une documentation fournie, rédigée par les services de l’Assemblée, destinée à les préparer aux réalités complexes du terrain.
Jean Valroff documente cette mission avec sa caméra. Le film qui en résulte constitue un témoignage rare, tant par sa forme que par son contenu. Il mêle images tournées sur le vif, commentaires en voix off et extraits de textes tapés à la machine, conférant au récit une tonalité à la fois personnelle et engagée, à mi-chemin entre le carnet de bord filmé et le reportage politique. Le montage accorde une place importante à la musique, composée exclusivement de chansons khmères, qui rythme les séquences et soutient l’émotion des images.
Le documentaire s’ouvre sur un long trajet aérien : Bruxelles, Istanbul, Karachi, Delhi, Bangkok, Ho-Chi-Minh-Ville, dont chaque étape est retracée à l’aide d’une animation cartographique simple mais expressive. À Ho-Chi-Minh-Ville, première escale du périple, la caméra capte l’effervescence urbaine : rues animées, marchés colorés, scènes de vie quotidienne vues depuis l’hôtel Majestic ou à travers les vitres d’un minibus.
Le 20 juillet, les députés franchissent la frontière cambodgienne, où une importante délégation les attend, parmi laquelle figure Hun Sen, alors ministre des Affaires étrangères. Ce moment marque le début d’un accueil particulièrement soigné. Malgré les conditions encore difficiles du pays, les autorités mettent tout en œuvre pour recevoir les parlementaires dans les meilleures conditions.
Le film prend une dimension particulièrement poignante lors de la visite des lieux de mémoire du génocide : les charniers de Choeung Ek et le centre de détention de Tuol Sleng. Ces séquences, sont accompagnées de commentaires qui replacent les événements dans leur contexte historique.
Au cours de leur séjour, les députés rencontrent plusieurs figures clés du régime en place, dont M. Hun Sen, M. Chea Sim, président de l’Assemblée nationale de la République populaire du Kampuchéa, et M. Heng Samrin, président du Conseil d'État. Si ces entretiens ne sont pas filmés, leur évocation souligne l’enjeu politique de cette première mission officielle française depuis la fin du régime khmer rouge.
La délégation se rend ensuite au marché central de Phnom Penh, où l’un des parlementaires échange avec une veuve cambodgienne qui évoque la perte de son mari sous le régime de Pol Pot. Puis les députés s’envolent en hélicoptère pour Kompong Saom (Sihanoukville), où ils visitent un orphelinat et un hôpital.
Enfin, un nouvel avion les conduit à Siem Reap pour découvrir les temples d’Angkor, joyaux architecturaux du pays. Certaines sculptures ont été volées, d’autres dégradées, et les parlementaires constatent l’ampleur du travail de restauration à mener. De retour à Phnom Penh, le programme s’achève par des visites au palais royal, dans un jardin public, une pagode et le musée des Beaux-Arts.
À leur retour en France, les membres de la délégation sont reçus pendant plus d’une heure par François Mitterrand, à qui ils rendent compte de leurs observations. Ce moment clôt une mission diplomatique dense, conçue comme un outil d'information, de dialogue et de positionnement pour la France, à une époque où son engagement au Cambodge reste encore très limité.
Le films de Jean Valroff est aujourd’hui une archive précieuse sur le Cambodge des années 1980, encore placé sous forte influence vietnamienne et en pleine reconstruction après le génocide. Il témoigne également de la manière dont des parlementaires français ont perçu et relayé cette réalité, mêlant regard occidental, engagement politique et émotion personnelle.