La moisson à l'orphelinat de Haroué (Meurthe-et-Moselle) en 1889. Cette scène de la vie rurale se caractérise par la richesse de sa composition et immortalise le travail des femmes (religieuses) et de jeunes orphelines aux champs lors des périodes estivales. À cette étape de la moisson, le travail consiste à rassembler les javelles (brassée de céréales, coupées et non liées) pour former des gerbes qui sont ligaturées comme s'astreint à le faire une religieuse agenouillée. Cette action effectuée par la" lieuse de gerbes " sera remplacée plus tard par la moissonneuse-lieuse. Une fois les gerbes solidement nouées, elles sont entassées sur un chariot attelé à des chevaux et acheminées vers le battage. On ne sera pas étonné du nombre de personnes au labeur puisque tout est fait à la main, ici un personnel exclusivement féminin. Rappelons que le javelage est un travail très féminisé. Cette photographie est extraite d'un album intitulé " J. D. 1889 " comprenant 75 tirages albuminés contrecollés sur carton, pris par le lieutenant-colonel Joseph Jules Delarue (1839-1925), commandant le 50e régiment territorial d'infanterie de Nancy et membre actif de la prestigieuse Société Lorraine de Photographie (fondée à Nancy en 1894) à laquelle il adhère en 1895 (Bulletin de la Société Lorraine de Photographie, n°3 septembre 1895). C'est en 1874 que la maison-mère et l'orphelinat de Nancy sont transférés à Haroué conférant à l'oeuvre, une orientation agricole que l'on doit à l'abbé Léon Harmand (1841-1914). Oeuvre philanthropique, l'institution agricole et horticole, unique en son genre, est devenue très vite un modèle. Dirigée par l'abbé Harmand, elle pourvoit à l'instruction de jeunes orphelines aux travaux des champs entre autres. " Les jeunes filles qui sortiront de cette institution auront des notions suffisantes sur les différents travaux qui s'effectuent dans une ferme et dans les jardins maraîchers " rappelle le Bulletin de la Société centrale d'horticulture de Nancy (n°4, juillet-août 1886, p. 114). Sur un domaine de 14 hectares divisé en différentes exploitations (plantes fourragères, maïs, pommes de terre, houblon, tabac, betteraves, vignes...), trente religieuses et soixante-seize enfants y travaillent tout au long de l'année.