Purifié, il est léger, poreux et offre une bonne résistance à la pression. Vue de la rue, le long de la Meuse, la cokerie s’offre peu aux regards des visiteurs. On aperçoit essentiellement la partie réservée au stockage du charbon, qui arrivait par la Meuse, la tour du château d'eau, à côté de la cheminée, les bandes transporteuses… mais on ne voit qu’une petite partie des multiples cellules des batteries de fours.
Avant l’invention du coke, dans l’industrie sidérurgique, on utilisait exclusivement le charbon de bois. La demande de fer augmentant, celui-ci a été exploité massivement, ce qui a entraîné
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Maquette de four à coke Evence Coppée, non datée © MMIL. |
des défrichements qui ont définitivement transformé certaines régions, dont le Pays de Liège. La pénurie de charbon de bois impose de trouver un autre combustible. A Liège, on exploite depuis le Moyen-âge les charbons fossiles, comme la houille, mais ils sont inadéquats à la métallurgie du fer, car la teneur en soufre et en éléments volatils indésirables est trop forte. C’est un Anglais, Darby, qui trouvera la solution à ce problème : rendre compatible la houille avec la sidérurgie.
En 1709, Abraham Darby, fils d’exploitant agricole et forgeron, met au point un processus pour distiller la houille et en éliminer les éléments chimiques indésirables en sidérurgie. Son fils, Abraham Darby II, améliore ce procédé, appelé cokéfaction, et construit à Coalbrookdale, dans la région de Birmingham, le premier haut-fourneau moderne à coke dans les années 1750. Ce procédé offre une bien meilleure production métallurgique. Cette innovation technologique n’échappe pas aux grands industriels de la première moitié du 19e siècle, et c’est John Cockerill, toujours à l’affut des innovations qui se faisaient dans son Angleterre natale, qui construit le premier haut-fourneau à coke en région liégeoise en 1826, ce qui donne une impulsion déterminante à la révolution industrielle wallonne. Pour se fournir en combustible, il dispose alors du charbonnage Colard sur le site de Seraing, auprès duquel il installe sa première cokerie.
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Défournement de fours à coke, siège du Bois-d'Avroy à Sclessin. Vue extraite de "La Houillère", d'après un original de Gustave Marissiaux, 1904-1905 © Province de Liège - Musée de la Vie wallonne. |
Le terrain où se trouve aujourd’hui la cokerie a été acquis par la société Cockerill en 1882 et a connu diverses générations de cokeries. Jusqu’en 2013, on y transformait le charbon de terre en coke en le chauffant dans des cuves à l’abri de l’air pendant 16 heures à 1.200 degrés. Il se distille, les matières volatiles et le soufre s’en séparent et sont récupérés pour être valorisés comme gaz énergétique et comme produits carbochimiques. Malgré les filtres, la cokerie exhalait souvent son odeur caractéristique d’œuf pourri. Il en résulte un combustible à très haute teneur en carbone, résistant et poreux : le coke. Après sa cuisson, les cellules s’ouvrent et il est poussé sur le côté du four puis refroidi à l’eau pour éviter qu’il ne s’enflamme au contact de l’air. La cokerie de Seraing comptait quatre batteries, totalisant 139 fours et au plus fort de sa production, elle était capable de produire 800.000 tonnes de coke par an. Comme les autres outils de la phase à chaud liégeoise, la cokerie de Seraing a fermé définitivement ses portes en 2013.
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Moment de pause pour les ouvriers de la cokerie de Flémalle, années 1980 © Province de Liège - Musée de la Vie wallonne (Bozintar Milanovits). |
HALLEUX Robert, Cockerill. Deux siècles de technologie, Liège, Éditions du Perron, 2002.
LEFÈBVRE Pascal, ROLIN Jean-Philippe, Matière rouge, Matière grise. Métamorphoses dans la Grande Région. Sur les traces du minerai de fer, du haut-fourneau à l’aciérie, d’hier à aujourd’hui, Liège, Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège, 2008.
PASLEAU Suzy, John Cockerill: Itinéraire d'un géant industriel, Liège, Éditions du Perron, 1992.