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      • Dossier pédagogique
      • Photographie, Arc de triomphe des usines Daum Frères (Verrerie) et la tonnellerie Adolphe Fruhinsholz lors du voyage de Sadi Carnot à Nancy, 1892.

      • Document pédagogique rédigé par Pierrick HERVE, docteur en Histoire contemporaine, professeur de Chaire supérieure CPGE BL lycée Guisth’Hau de Nantes.

      • Photographie, Arc de triomphe des usines Daum Frères (Verrerie) et la tonnellerie Adolphe Fruhinsholz lors du voyage de Sadi Carnot à Nancy, 1892.
      • Description et contexte

        Une photographie anonyme, en noir et blanc, photographie positive, est présente également dans l’album de la visite de Sadi Carnot à Nancy.

        Lors des fêtes organisées à l’occasion de la XVIII° Fête fédérale de gymnastique et qui reçoit la visite présidentielle de Sadi Carnot à Nancy en juin 1892, les établissements industriels Daum frères et Fruhinsholz érigent un arc de triomphe original portant des ouvriers des deux entreprises avec leurs outils et des objets produits. Sur le cliché, les coiffes des femmes et les chapeaux des hommes soulignent un ensoleillement de saison. Cette photographie figurant dans un album souvenir de l’événement est riche d’informations sur les liens entre le national et le local dans une III° République installée. La visite du président de la République donne l’occasion de créer ces albums qui en gardent « éternellement » la mémoire, comme celle d’un événement majeur.

        Le document présente donc un voyage présidentiel comme une forme de reprise des entrées royales avec à la fois la mise en scène du pouvoir et celle d’une communauté, composée ici autant d’un large public convaincu que d’une présentation du monde des travailleurs de l’industrie accueillant la plus haute autorité de l’État et lui imposant le passage de ses voitures sous un arc de triomphe dans un dialogue convenu.

        Valoriser des entreprises.

        La mise en scène du travail se fait par l’association de l’homme et de l’outil pour deux activités importantes de l’Est de la France, la verrerie et la tonnellerie, dont les entreprises sont présentées comme alsaciennes sur le ruban d’accueil accroché au sommet de l’arche centrale avec la dédicace à Sadi Carnot. Les différentes arches se composent de tonneaux donnant un ensemble de rondeurs à la structure. L’arc de triomphe est la copie d’un arc romain, porte d’entrée sous laquelle doit passer le plus haut magistrat de la nation. L’album photographique partiel des fêtes de Nancy montre que d’autres arcs de triomphe émanant du monde du travail ont été érigés sur le passage du président notamment rue de Strasbourg par la manufacture des chapeaux de paille qui dédie son monument temporaire à la République française ou encore celui de l’École forestière, rue de la Constitution.

        À Nancy, ces deux entreprises affirment leurs origines alsaciennes. En 1871 Jean Daum, notaire originaire de Bitche et ayant choisi la France après le traité de Francfort, s’installe à Nancy en 1876 et rachète une verrerie. Ses fils, Auguste qui dirige l’entreprise à la mort du père et Antonin, maître verrier formé à l’école des Arts et Manufactures de Paris, crée en 1891 le département d’Art au sein de la manufacture lui donnant une renommée internationale. À la date de 1892 l’entreprise commence à prendre son envol dans le monde du luxe même si le premier artiste reconnu, Jacques Grüber n’arrive que l’année suivante. Sadi Carnot est donc accueilli par les ouvriers d’une entreprise en expansion qui commence à assoir sa réputation alors même que la pâte de cristal Daum n’est pas encore créée.

        La tonnellerie fondée en Alsace vers 1850, est maintenue en Alsace après la défaite de 1871 mais une filiale est créée à Bayon en Meurthe et Moselle en 1872 sous le nom de « Fruhinsholz Frères » qui prospère rapidement. En 1881, une unité de production installée à Nancy connait une modernisation importante avec l’arrivée de Gustave-Adolphe Fruhinsholz en 1889 qui mécanise la production. Ce dernier choisit la France quand il doit remplir ses obligations militaires. En 1892, l’entreprise est mise à l’honneur lors de la visite à Nancy de Sadi Carnot les 5, 6 et 7 juin. Les deux cents ouvriers montrent le savoir-faire et la modernité de l’entreprise dont les machines-outils fonctionnent à la vapeur. 

        Par l’arc de triomphe ces deux entreprises, issues de familles alsaciennes qui ont choisi la France, affirment leur appartenance à la patrie, plus de vingt ans après la guerre franco-prussienne qui a provoqué le déplacement de populations alsaciennes et de Lorraine mosellane.

        Sadi Carnot en visite présidentielle.

        Le deuxième élément clef de la photographie, est la présence à Nancy du président de la République, Sadi Carnot. L’arc est érigé en son honneur. Après la crise boulangiste, la reprise en main du pays par les républicains s’accompagne d’une volonté de donner à voir la République, d’entrer en contact avec les populations qui ont manifesté lors des élections législatives de 1889 un attachement à la République. Alors le président de la République est l’incarnation vivante de la souveraineté, il visite les provinces dans un moment de convivialité mais un moment éminemment politique, dans un dialogue entre le régime et ses citoyens. Carnot renoue donc avec une tradition royale, éteinte à partir de Louis XIV et reprise mais détournée par Napoléon III. Dès son arrivée à l’Elysée, il annonce vouloir multiplier les fêtes républicaines (année 1889) et reprendre la tradition des voyages en province, comme un vaste tour de France, réorientation de la fonction présidentielle après la présidence Grévy finie en scandale et la crise boulangiste (présence au peuple par opposition au général, lui l’héritier de la Grande Révolution, par Lazare son grand père et de celle de 1848 par son père). La photographie montre combien la présence du public est importante à la fois en nombre et de façon symbolique.

        L’espace urbain qui accueille le président, dans la tradition très ancienne des entrées royales, est pavoisé, décoré et donc ornementé d’arcs de triomphe financés par souscription publique, associative ou privée (forme de publicité), créations d’un mobilier urbain pour un discours politique. Nicolas Mariot évoque la possibilité de jour férié offert aux travailleurs mettant en valeur les entreprises lors des visites ou bien des propositions d’aide au financement si le chef de l’État est présent. Le parcours peut aussi être organisé en fonction des entrepreneurs privés.

        Par le regard s’observe une double propagande : propagande politique du pouvoir reçu, qui vient dialoguer avec la province, propagande sociale du rôle des entreprises. Un spectacle dont les citoyens sont acteurs comme les travailleurs. La foule est traversée par le cortège officielle accompagné par des soldats à cheval. A propos des fêtes de Nancy de 1892, E Goutière-Vernolle écrit « Sur le parcours, la population se presse, garnit les fenêtres, monte sur toutes les saillies, s’accroche aux grilles, grimpe sur les toits. Tout le monde veut voir ».

        La photographie suppose également un univers sonore. Le brouhaha d’une foule accompagnant le passage du cortège et sans doute également de la musique. La République occupe la rue, qu’elle a reconquis sur les oppositions politiques et religieuses, et qu’elle décore de monuments laïcs avec la complicité active des citoyens, citoyens au travail.

        Utilisation pédagogique.

        L’utilisation de ce document peut trouver sa place dans le cadre du programme de première générale, pour aborder la question de l’enracinement de la République. Dans le cadre du thème 3, la Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial et des deux chapitres, la mise en œuvre du projet républicain (1) et Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914 (2).

        Reprenons les thèmes décrits. Comment le régime s’enracine-t-il ? Au-delà des grandes lois républicaines (démocratisation, laïcisation, scolarisation…), de la création d’une culture républicaines par les symboles et rituels (14 juillet, Panthéon, statuomanie…), cette photographie permet de travailler sur le sens de l’expression culture républicaine comme un ensemble de pratiques et de représentation. Une contextualisation portant sur la personne de Sadi Carnot, sur son arrivée à la présidence de la République et sur l’année 1889 permet de donner sens au rôle des voyages en province dans l’enracinement du régime. La visite à Nancy, ville française d’un Est de la France troublé par les effets du traité de Francfort, montre également l’attachement de la République aux provinces menacées ou du moins confrontées à la présence d’un ennemi dont la crise boulangiste a relancé l’actualité (affaire Schnaebelé). Elle montre également l’importance pour le pouvoir républicain de se montrer, de se mettre en scène dans les espaces publics provinciaux, après la crise boulangiste. La mort tragique de Sadi Carnot en 1894 permet d’aborder une histoire de l’opposition à la République émanant des courants anarcho-syndicalistes. Mais le va et vient Province République fonctionne, l’entreprise Fruhinsholz vient d’une Alsace devenue allemande.

        Le regard sur les capacités à travailler et les méthodes acquises en classe de première inscrites dans le texte du programme trouve également dans ce document un support intéressant pour maîtriser et utiliser des repères chronologiques et spatiaux sur la IIIème République après 1889. Et pour connaître et se repérer, il permet d’identifier et de nommer les périodes historiques, les continuités et ruptures chronologiques notamment après la crise boulangiste, mais aussi d’identifier et d’expliciter les dates et acteurs clés des grands événements (la présidence Carnot est à ce titre utile). Le travail de description et d’interprétation du document nécessite bien évidemment sa contextualisation, que les élèves peuvent trouver notamment par la pratique de la recherche avec des outils numériques, conduisant à la presse locale, aux articles des supports institutionnels comme Persée ou Gallica par exemple. L’exercice de la confrontation à la source pour produire un discours historique donnant sens au document est un enjeu majeur des pratiques du lycée en Histoire et en Géographie. Savoir lire et comprendre, utiliser le lexique adapté à la fabrication du discours, conclure sur l’utilité d’une source tout en la nuançant, peuvent se structurer à partir du document proposé.

        Sans doute est-il moins facile de relier le document aux attentes des programmes en matière d’histoire sociale, pour traiter des mutations et des permanences. Les deux domaines présentés ici sont des domaines anciens d’activités (verrerie, tonnellerie). C’est par la recherche sur les entreprises que les élèves peuvent être sensibilisés aux mutations techniques d’un temps d’industrialisation. La photographie doit être expliquée notamment l’ensemble des objets et outils présents sur le document pour le maintien de types de qualification et de statuts ouvriers, aussi bien par tradition (les outils historiques de la production) que par leur modernité (travail industriel du luxe, proche d’une production artistique). La période est celle d’une mutation des statuts avec le passage d’une domination exercée par les ouvriers qualifiés à celle d’une domination numérique des ouvriers spécialisés. L’absence des femmes peut paraître révélatrice, mais cela relève sans doute des structures professionnelles des deux entreprises, peut-être faut-il aussi chercher une hiérarchie ouvrière.

        Bibliographie et sources.

        Nicolas Mariot, « Des réjouissances sans objet. Sadi Carnot en cortège à Nancy : enquête sur l’exclusion d’un quartier », in Jean-William Dereymez, Olivier Ihl et Gérard Sabatier, Un cérémonial politique : les voyages des chefs d’État, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 167-214.

        E. Goutière-Vernolle, Les fêtes de Nancy, 5, 6 et 7 juin 1892, Nancy imprimerie, G Crépin-Leblond, 1892,
        Album de 30 planches photographiques des fêtes de Nancy de juin 1892, Berger-Levrault, Paris.  

        Article dans Image’Est (Grand angle) sur le fonds Fruhinsholz (1845-1938). Blaise Aurora, Nouveaux regards sur le fonds Adolphe Fruhinsholz (1845-1938), https://www.image-est.fr/grand-angle-nouveaux-regards-sur-le-fonds-adolphe-fruhinsholz-1845-1938-1120-24-0-0.html

      • Publié le 15/07/2022
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