La brasserie Emile Bieckert à Buenos Aires (Argentine)

Légende

N° de photo FI-0266-0054

Entrée de l'entreprise E. Bieckert, du nom de son fondateur, Emile Bieckert (1837-1913), maître-brasseur alsacien, qui émigra vers 1855 en Argentine avant de créer sa propre entreprise en 1860 comme l'indique l'inscription au fronton de l'entrée. Son affaire prospère très vite et occupe en 1908 un domaine de dix hectares dans la banlieue de Buenos Aires. Il se retira des affaires en 1889.

L’auteur de la photographie n’est pas connu.

Description

Photographie en noir et blanc (négatif) de l’entrée de l’entreprise Emile Bieckert, prise à 10h20 si l’heure indiquée sur l’horloge est exacte. La photographie a été prise après 1898/1899 puisque sur le pilier gauche, à l’entrée, on peut lire «Exposicion nacional 1898-1899. La mas alta recompensa. Gran diploma de honor » et sur le pilier droit « Diez premios  en Argentina, Europa y Norte America » indiquant ainsi la qualité de la bière produite et sa place dans la consommation en Argentine, en Europe et en Amérique du Nord.
Sur le fronton, on retrouve le nom du fondateur Emile Biekert ainsi que la date de la fondation de la brasserie (1860).
En dessous, se trouvent les deux types de bières produites : Pilsen (bière blanche et blonde) et Bock (bière originaire de Bavière, brune). Une affiche publicitaire de la marque Bieckert de la fin du XIXe siècle confirme la fabrication de ces deux types de bières.
Dans l’allée centrale, se trouvent des ouvriers sur des charrettes tirées par des chevaux. Une charrette, sans chevaux est tout au fond de l’allée. Les deux bâtiments sont reliés par une passerelle.
La brasserie se situe au 817 à l’intersection des rues Juncal y Esmeralda.

Contexte historique/éléments d’analyse

Emile Bieckert (16 juin 1837- 19 juillet 1913) a 16 ans lorsqu’il émigre en Argentine. Il est originaire de la ville de Barr et issu d’une famille de brasseurs alsaciens. Il est le fondateur de la première brasserie en Argentine en 1860, il a 21 ans. La raison pour laquelle il choisit l’Argentine n’est pas connue mais visiblement d’autres habitants de Barr l’avaient précédé dans cette destination, ce qui explique peut-être son choix.
Cette brasserie est la plus grande d’Amérique latine, elle occupe 30 000 m². Elle est reliée au réseau des chemins de fer mais également au réseau de tramway de Buenos Aires. Les bâtiments, si l’on s’en réfère au bulletin de la société académique du Bas-Rhin pour le progrès (1890), accueillent « 5 machines à vapeur, total 200 chevaux-vapeur de force, 10 générateurs, comptant ensemble 1000 m2 de surface, des machines à glace pour une production de 4000 kilos chauffe à l'heure ; 6 chaudières à bière contenant chacune 120 hectolitres. Les caves germoirs pneumatiques et les tourailles mécaniques peuvent produire annuellement environ 200,000 kilogrammes de malt. Les caves de fermentation et de conserve peuvent loger près de 100,000 hectolitres. Une tonnellerie mécanique et un atelier de réparations très-bien agencés sont joints à cette brasserie dont la production annuelle dépasse 200,000 hectolitres, une grande partie de la bière fabriquée est vendue en bouteilles, on en sort au moins 30,000 par jour dans la bonne saison. Monsieur Bieckert a commencé très-modestement il y a une trentaine d'années ; c'est grâce à son énergie, à son travail et à sa persévérance qu'il est arrivé à créer un établissement modèle, grandiose et prospère ; félicitons-le des résultats qu'il a obtenus et réjouissons-nous des succès remportés par notre éminent compatriote. » Les liens entre la Lorraine et Emile Bieckert n’ont pas été rompus pendant son séjour argentin. Les archives permettent de dire qu’Emile Bieckert est revenu au moins une fois en Europe puisqu’on trouve trace d’un voyage en 1864 sur le navire Navarre en partance de Bordeaux et à destination de Buenos Aires. Dans le fonds Image'Est, on trouve également un certificat signé Emile Bieckert en 1882 dans lequel il s'adresse aux frères Fruhinsholz à Schiltigheim (Bas-Rhin) rappelant que la tonnellerie alsacienne est depuis 18 ans son fournisseur exclusif de cuves, foudres et fûts à pression.
En 1889, Emile Bieckert quitte ses affaires en Argentine et s’installe à Nice. La photographie a donc été prise après qu’Emile Bieckert ait cessé ses affaires en Argentine.

Quelques éléments sur l’immigration française en Argentine

Il est admis qu’environ 220 000 français ont migré vers l’Argentine entre 1830 et 1910. Environ la moitié en est repartie. A partir de 1853, la Constitution argentine intègre avec l’article 25 l’incitation à l’immigration. En 1876, la loi N° 761 de Nicolás Avellaneda, ainsi nommée la Ley de Inmigración y Colonización, facilite et encourage l’immigration européenne. Pour trouver des candidats à l’émigration, le gouvernement argentin mandate des agences. En échange, les émigrés reçoivent 33 hectares, 2 chevaux, et une petite somme d’argent. Le voyage en bateau est payé par l’Argentine.

Documents complémentaires

Certificat FI-0594-0036

Bibliographie

A. Stehlé, , Historia de una cerveza centenaria, « Un brasseur barrois en Amérique », Buenos-Aires, 1960
Xavier Ohresser, Jean Braun, Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach, Bach, Obernai, 1967
Claire Bénard, Alice Martin-Prével et Marie-Aimée Prost, «L’immigration européenne en Argentine, un phénomène controversé», Sciences po , Observatoire Politique de l'Amérique latine et des Caraïbes (https://www.sciencespo.fr/opalc/content/prologue-i-l-immigration-europeenne-en-argentine-un-phenomene-controverse).