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      • Dossier pédagogique
      • Fête de la vigne et du houblon Nancy 1909, le char des vins d’Alsace.

      • Document pédagogique rédigé par Pierrick HERVE, docteur en Histoire contemporaine, professeur de Chaire supérieure CPGE BL lycée Guisth’Hau de Nantes.

      • Fête de la vigne et du houblon Nancy 1909, le char des vins d’Alsace.
      • Description et contexte

        Une carte postale timbrée et dont l’utilisation a été validée par l’empreinte d’un timbre à date de l’administration des postes, ce qui montre qu’elle a circulé entre expéditeur et destinataire, présente le char des vins d’Alsace lors de la fête de la vigne et du houblon à Nancy en 1909. Cette carte postale a été produite par l’imprimerie nancéenne Royer, dont le siège construit en 1900, présente une magnifique façade art nouveau associant verre, fer et briques. Le char tiré par des chevaux porte une enfant et des jeunes femmes en costumes traditionnels alsaciens, avec la coiffe de Ribeauvillé et Riquewihr, terre de vignobles réputés. L’écusson placé à l’un des angles du char semble souligner l’origine géographique, trois ramages de bois de cerfs. Comme un décor de grappes de raisin et de feuilles de vigne entourant la base du char indique le domaine d’activité, la viticulture. Des hommes chapeautés accompagnent sur le char ces jeunes alsaciennes pour former trois couples apparents. Des ogives en bois tressé, comme des claies, portent de la végétation ainsi que des objets en relation avec le travail de la vigne et se croisent en diagonale pour coiffer le char en son entier.

        L’intérêt d’un travail sur cette photographie réside dans les recherches nécessaires pour en comprendre le sens, la portée, cachés derrière le spectacle classique d’une fête urbaine et professionnelle comme il en existe de nombreuses en cette France républicaine du début du siècle. De la photographie nait le récit. Ces fêtes nancéennes ont été initiées par Emile Badel, un érudit lorrain, né en 1861 à Saint-Nicolas-de-Port. Elles entrent dans des démarches fréquentes sous la III° République d’organisation des fêtes aux thèmes divers et qui, s’inspirent des grandes manifestations parisiennes comme les expositions universelles, comme les expositions coloniales dans quelques grandes villes de province comme Lyon ou Marseille. Emile Badel appartient à ce groupe nourri des régionalistes qui au tournant du siècle mettent en valeur le patrimoine local à travers des écrits (articles et monographies), une muséographie ou encore des manifestations collectives et festives associant le local au national. Il travaille dans les milieux intellectuels de Nancy depuis 1888, tantôt bibliothécaire, enseignant, tantôt journaliste pour l’Est républicain. Ce journal propose d’ailleurs de nombreux articles présentant ces fêtes de la vigne et du houblon. Cependant la présence de ce char interpelle car Riquewihr en 1909 se trouvait en territoire allemand ce qui confirme les porosités d’une frontière récente mais n’empêchant pas les relations. L’Est Républicain nous apprend que le char a été financé par le comité des fêtes organisateur de la manifestation de Nancy.

        1909, une année festive à Nancy.                                  

        Cette photographie est en fait un miroir de l’événement majeur qui touche la ville pendant la plus grande partie de l’année 1909. Nancy est le théâtre d’une grande exposition internationale des arts et techniques, associée à de multiples cérémonies et fêtes. Du premier au 7 juin 1909, Nancy accueille les « fêtes anglaises », réponse au séjour londonien des membres nancéens du comité de l’exposition de Nancy lors de l’exposition internationale de Londres en 1908. Congrès, banquets et « garden party » sont offerts en l’honneur des hôtes britanniques que la France reçoit abondamment depuis la mise en place de l’Entente cordiale en 1904. De même, Nancy reçoit une délégation belge en prévision de la participation de Nancéens à l’exposition de Bruxelles prévue pour 1910. Il s’agit de faire valoir les qualités de l’industrie lorraine avec la fête comme moyen de promotion de la qualité du travail, comme moyen de créer des formes de solidarité économique.

        En juillet, aux fêtes anglaise et belge, succèdent les 11 et 25 du mois des défilés à vocation historique. Des chars et des figurants proposent des tableaux de l’histoire lorraine. Les incarnations de Jeanne d’Arc et de Stanislas reçoivent un franc succès. Le 12 septembre la ville organise une fête florale puis en octobre, du 23 au 25, la fête de la vigne et du houblon.

        Pendant cette année festive, Nancy accueille également des compétitions sportives, l’escrime, le 15 août, la course cycliste Nancy-Strasbourg, des spectacles d’acrobatie… Des démonstrations aériennes, spectacle aéronautique survolent le ciel lorrain, la ville entretient des liens forts avec le développement de cette nouvelle activité, comme elle s’est offert un dirigeable, le « Ville de Nancy », pour des vols commerciaux qu’elle doit interrompre à la suite de problème techniques.

        Ainsi c’est dans un ensemble d’activités festives que prend place la fête de la vigne et du houblon, à laquelle participe le char sur la photographie.

        La fête de la vigne et du houblon, parcourir Nancy un jour de pluie.            

        Le char paraît immobile, les hommes posent, les chevaux sont au repos. La scène se déroule sans doute avant le départ du cortège. Les archives de l’Est républicain nous apprennent que l’ensemble des chars à 13 heures sont réunis Place de la carrière, ancien cadre des festivités équestres, et qu’un jour Jacques Callot a représentée sur une eau-forte. Ils sont placés devant le palais du gouvernement dans la ville-vieille. C’est au son des airs joués par des groupes musicaux municipaux de Nancy ou de Malzéville, comme de Schiltigheim, que le cortège s’ébranle à 14 heures pour descendre vers la place Stanislas par la rue Héré du nom d’un artiste lorrain de la Renaissance, rue qui assure la liaison entre la vieille et la nouvelle ville selon une modernisation de l’espace urbain voulue par Stanislas. Place Stanislas le cortège passe devant l’Hôtel de ville puis prend la rue du nom du Duc pour se rendre à la Chambre de commerce par la rue Gambetta, que de républicanisme dans tout cela. Puis le cortège passe par quelques rues notables, comme la rue Jeanne d’Arc, le palais de la métallurgie, et le palais des Fêtes. Tout cet ensemble de palais a été créé pour l’exposition de 1909.

        L’Est républicain du 23 octobre 1909 est encore notre source principale pour comprendre la composition du cortège et le sens donné à cette fête. Quatorzième char du cortège, le char des vins d’Alsace est l’antépénultième d’un ensemble offert par les associations, les comités, ou encore les entreprises locales comme la maison Fruhinzholz, dont le chef de famille préside le comité des fêtes, les établissements Cordier ou encore Knecht. Les thématiques mélangent références antiques (Bacchus), chrétiennes (Noé) ou de culture littéraire médiévale. La bonne humeur produite par la consommation réelle ou supposée de boissons alcooliques doit avoir un effet sur les spectateurs invités à célébrer les productions locales. Le huitième char est même une allégorie à la victoire de la viticulture sur les maladies qui ont si brutalement touché le monde agricole dans la deuxième moitié du XIX° siècle. La préparation de ce spectacle a été organisée par des acteurs locaux des arts, architectes, peintres, sculpteurs, couturiers, rappelant l’élan collectif et populaire fondateur de ces journées.

        Le 25 octobre, l’Est républicain présente un compte rendu de cette journée remettant en cause la réalité du bel ordonnancement précédemment décrit. L’article dénonce le manque d’organisation, l’absence de classement des chars au départ du cortège qui a provoqué un grand retard dans le déroulement de la cérémonie. Les chars de queue étant partis plus tôt que prévus, dont peut-être celui de la photo, ils reprirent leur place après un premier passage place Stanislas. L’article souligne également les conditions climatiques difficiles, journée pluvieuse et venteuse, qui touchèrent le public resté très nombreux et « pendant ce temps, musiciens et figurants - figurantes surtout, légèrement vêtues pour la plupart – grelottent à fendre l’âme ». Un peu plus tard c’est une pluie torrentielle qui pousse public et acteur vers l’exposition et le palais de l’industrie, les chars commençant à défiler alors que des figurants s’enfuient sous la pression du déluge. Pendant ce temps, résistant à la pluie les fanfares et harmonies occupent l’espace sonore d’une musique adaptée… « La Chorale Alsace-Lorraine, la Chorale de l’Est et Nancy-Choral chantent victorieusement la bière et le bon vin », qui restaient après tout, les objets de la fête. D’ailleurs le temps se calme, le cortège reprend, coiffé d’un « arc en ciel (qui) se déploie au-dessus des Palais ».

        Utilisation pédagogique du document


        Pour être honnête il est vraiment très difficile de relier ce document à l’un des thèmes et chapitres des programmes scolaires de l’enseignement secondaire. Il pourrait trouver sa place comme la photographie du voyage de Sadi Carnot dans une mise en valeur de la République et des fêtes collectives la célébrant tout en célébrant les activités locales. Le document permet également de nuancer l’uniformisation républicaine par effet de centralisation au profit d’une appartenance régionale affirmée, qui n’empêche nullement le sentiment d’appartenance à la nation, grandes et petites patries réunies en une même célébration des activités agricoles.

        Il existe d’autres photographies de ces fêtes de Nancy de 1909 et d’autres documents descriptifs pour en saisir tous les aspects. Cette fiche se construit comme une porte ouverte pour reconstituer un moment fort de l’histoire locale, un exemple de confrontation entre le document photographique et les sources, un exemple de travail d’historien reproductible par des élèves, même d’âge primaire pour reconstruire, décrire, en fabriquant un récit historiquement étayé, vivant, inscrivant les apprentissages historiques dans une forme active. Les sources utiles sont disponibles sur différents sites numériques ce qui favorisera la prise en main individuelle et collective de l’outil. La presse locale est ici irremplaçable.

        Sources :

        Archives de L’Est républicain, numéros du 24 et du 25 octobre 1909.
        https://galeries.limedia.fr/expositions/lexposition-internationale-de-lest-de-la-france-1909/p2

        Frédéric Descouturelle, Bernard Ponton, Francis Roth, Hélène Sicard-Lenattie, Centenaire de l’exposition internationale de l’est de la France, triomphe de l’industrie, de la science et de l’art nouveau, Nancy 1909.

      • Publié le 15/07/2022
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