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      • Pagny-sur-Moselle : le passage d'un village à un bourg industriel

      • Pagny-sur-Moselle : le passage d'un village à un bourg industriel
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        La présence humaine à Pagny-sur-Moselle est avérée dès les temps préhistoriques ; les quantités d'objets retrouvés sur les bords de la Moselle comme dans le village confirment la présence de populations sédentarisées.

        Dès le Ier siècle, l'arrivée et l'installation des légions romaines, l'introduction de la culture de la vigne, la période de la " Paix romaine " transforment rapidement et pour les siècles suivants le destin de la population présente sur place. Progressivement les habitants installent le village le long du ruisseau de Beaume Haye au pied des côtes orientées vers l'est qui rapidement se couvrent de vignes.

        Au pied des côtes se développe une activité agricole basée sur la culture des céréales, du chanvre et de l'élevage. Dès le Moyen Age, deux moulins sont construits sur le ruisseau, le moulin-haut en amont et le moulin-bas en aval ; pour pouvoir fonctionner simultanément une réserve d'eau est stockée dans des biefs situés en amont des moulins ; ceux-ci seront vendus comme Biens Nationaux au début de la Révolution.

        Ainsi Pagny, pendant des siècles vit au rythme des saisons qui régulent les travaux agricoles tout au long de l'année jusqu'au XIXe siècle où la population atteint environ un millier d'habitants. A côté des agriculteurs et des viticulteurs s'est développé un artisanat varié le plus souvent lié aux activités locales, aussi trouve-t-on des tonneliers, distillateurs, maréchaux-ferrants, charrons, menuisiers, charretiers, meuniers etc...

        En résumé, toute cette population rurale vit très chichement, tributaire des rendements souvent aléatoires sans compter les éventuelles épidémies.

        La première entreprise pagnotine

        En 1837, un serrurier de Bayonville, Joseph Nicolas Nauroy, désire installer à Pagny une fabrique de clefs sur un terrain qu'il possède à Pagny. Cette activité nouvelle originale de fabrication d'objets en série, en l'occurence des clefs, n'a absolument aucun lien avec les activités artisanales locales et à ce titre peut être considérée comme la première entreprise industrielle installée à Pagny.

        En juillet 1837, après une première enquête de commodo et incommodo relative à l'établissement d'une fabrique de clés mue par une roue hydraulique, l'autorisation lui est refusée en raison de l'opposition de cinq riverains qui craignent une pénurie d'eau. Soutenu par le maire de Pagny, M. Nauroy réitère sa demande, une nouvelle fois refusée. Après ce second échec, le maire réussit à persuader les opposants à céder et finalement l'autorisation est accordée. La construction des bâtiments est réalisée en 1838 si bien que J. N. Nauroy met en marche son usine et la production démarre. Pour que son usine puisse fonctionner l'industriel a dû creuser un étang pour alimenter en eau la roue la journée tandis que le bief se remplit la nuit. La roue hydraulique par un système d'engrenages, de poulies et de courroies entraîne une quinzaine de machines. Pour pallier une éventuelle pénurie d'eau, J. N. Nauroy est autorisé dès 1860 à installer une chaudière et une machine à vapeur. Cette usine restera propriété de son fondateur jusqu'à sa mort à 69 ans en 1877, avant de passer sous la responsabilité de ses deux gendres. Que rerésente cette usine pour la localité ? Soutenus par les maires successifs, ceux-ci se félicitent d'avoir soutenu l'industriel  qui " reste le seul à occuper ce créneau dans une région assez étendue autour de Pagny ".

        En 1856, ce sont quatorze employés qui travaillent dans l'entreprise. En 1861, ils sont dix-huit dont un a vingt ans d'ancienneté. En 1881, douze ouvriers y travaillent encore dont Pierre et Ambroise Brunel avec quelque quarante-trois ans de présence dans l'entreprise. En 1886, plus aucun membre de la famille du fondateur n'apparaît lors du recensement alors qu'un ancien employé est installé comme " patron-serrurier au village ". 

        Sans avoir été une très grosse entreprise, la fabrique de clés a prospéré dans notre village pendant près de cinquante ans grâce à la volonté, l'obstination et la clairvoyance de son fondateur. Ce modeste serrurier en venant s'installer à Pagny est devenu un "petit industriel" local qui a participé à son niveau à la " Révolution industrielle " de la seconde moitié du XIXe siècle...

        LES MOULINS REHM-COTTEREAU

        Après la capitulation de Sedan le 4 septembre 1870, la République est proclamée et un gouvernement de " Défense Nationale "  est constitué. Dans les discussions d'armistice, Bismarck veut négocier avec un gouvernement français investi par une assemblée nationale à l'élection de laquelle il est décidé de procéder dans les meilleurs délais. Le chancelier allemand accepte la tenue d'élections dans les territoires d'Alsace-Moselle. Elles se tiennent le 8 février 1874. Parmi les députés, figure Victor Rehm. Le 17 février, Thiers est désigné par l'assemblée pour négocier.

        Après la signature du traité de Francfort le 10 mai 1870, les députés républicains des territoires annexés démissionnent et un certain nombre s'exilent sur le territoire français dont V. Rehm.

        Louis Victor Rehm est le fils d'un officier de hussard français en garnison à Mayence, né le 23 mai 1814. Après la chute de l'Empire, la famille Rehm s'installe à Metz. Louis Victor fréquente l'école, puis, le Lycée avant de poursuivre des études d'agriculture et d'industrie à Versailles. De retour en Moselle, il installe une ferme modèle à Basse-Yutz à laquelle il ajoute bientôt une fabrique de sucre de betterave et une distillerie.

        En 1871, l'ancien député désireux de créer une nouvelle usine à proximité de la frontière, prospecte les possibilités d'achat de terrain. Il le trouve à Pagny-sur-Moselle entre canal et Moselle, puisque le dénivelé entre les deux cours d'eau lui offre la possibilité d'installer une turbine qui fournira l'énergie nécessaire au fonctionnement de son usine. Devenu propriétaire, il dépose une demande d'autorisation de construire son usine, autorisation validée par la municipalité de Pagny et la Préfecture, le service des douanes valide également le projet.

        Le 9 janvier 1874, le préfet autorise V.-L. Rehm à construire son usine. Aucun document ne recense le nombre de personnes travaillant dans cet établisssement. Le recensement de 1876 mentionne la présence de V. L. Rehm comme ingénieur ; il apparaît comme conseiller municipal de Pagny de 1878 à 1885 ; il décède à Pagny le 24 juin 1885 à l'âge de 71 ans. C'est son gendre, M. Cottereau, qui lui succède à la tête de l'usine. Quelle activité pratiquait cette usine ? En fait, elle en avait deux bien distinctes : 

        - elle abritait des moulins à décortiquer les graines qui pouvaient être convertis en moulins en farine.

        - d'autre part fonctionnaient deux ateliers de menuiserie mécanique

        © Coll. Jean-Marie Wantz

        Quant aux matières premières traitées essentiellement dans cette usine : blé, orge, pois. Elles arrivaient par wagons entiers en gare de Pagny en provenance surtout du nord de la France et de Belgique (essentiellement d'Anvers). De la gare, les sacs de 100 kg étaient acheminés par chariots jusqu'à l'usine.  

        Pendant la durée de la guerre, dès le mois d'août 1914, cette usine subit de nombreux bombardements, vols, saccages de la part des troupes, si bien que son propriétaire renoncera aux réparations d'après-guerre et les dommages de guerre seront rachetés par la Compagnie Lorraine de Charbons, Lampes et appareilages électriques (anciennement usine Fabius Henrion en 1921.

        LA CORROIERIE-TANNERIE R. SENDRET

        Romain Sendret père achève son tour de France de compagnon corroyeur à Metz en 1821 où il s'installe. Le corroyage est un succession de manipulations des cuirs qui permettent de les assouplir afin de pouvoir les utiliser en cordonnerie, bourrellerie, sellerie, reliure... Il transmet son entreprise à son fils Romain né en 1826. Ce dernier s'installe à Saint-Julien-lès-Metz et la fait prospérer.

        En 1861, Romain Sendret est l'un des plus gros fournisseur en cuirs de l'armée française en garnison à Metz. Sa renommée et sa fortune atteignent leur apogée. En 1871, il est anéanti par la capitulation de Bazaine à Metz et par la défaite française. Refusant de travailler pour l'armée allemande, son entreprise s'effondre. Il décide alors de venir s'installer à Pagny-sur-Moselle et d'y créer une corroierie. Il opte alors pour la nationalité française.

        Dès son installation à Pagny, il entreprend toutes les démarches pour mener à bien son projet. Dès que ce dernier est connu (en décembre 1872), il suscite un tollé général. La construction de l'usine sur le ruisseau de Pagny, dont les eaux sont nécessaires au fonctionnement des ateliers, est prévue dans la partie amont du cours d'eau par rapport au village. Une enquête de commodo et incommodo est ouverte en mairie du 29 décembre 1872 au 5 janvier 1873.  Bon nombre de Pagnotins s'opposent à ce projet dont l'autorisation est finalement accordée en juin 1873 après qu'un certain nombre d'aménagements précis aient été définis.

        Une fois les autorisations obtenues, Romain Sendret fait construire les différents bâtiments de son usine (conciergerie, forge, atelier des machines, bâtiment des foulons, bureau et maison du comptable, bâtiment de la turbine entraînée par une roue hydraulique, la machine à vapeur pour la force motrice supplémentaire et l'éclairage). Fin des années 1870 et début 1880, une soixantaine de personnes y travaillent. Romain Sendret poursuit la politique paternaliste qu'il appliquait à Saint-Julien-lès-Metz.

        Tandis que la production de la corroierie atteint son rythme de croisière, l'usine de clés installée sur la partie basse du ruisseau cesse son activité. Avec l'esprit d'initiative qui motive Romain Sendret celui-ci voit l'occasion de développer son activité en installant une tannerie dans les locaux désaffectés de l'usine de clés. Une demande d'autorisation est faite en ce sens en préfecture en début d'année 1885. L'autorisation lui est accordée en mars de la même année.

        Avec ce projet, Romain Sendret envisage de contrôler dans ses deux usines complémentaires toute la filière cuir. Finalement le projet est abandonné, aucun document ne permet de comprendre ce revirement. Agé de 69 ans, Romain Sendret décide de se retirer des affaires et cède l'entreprise à son fils Jean Joseph, célibataire. Ce dernier reste peu de temps à la tête de l'entreprise puisque le 25 décembre 1895, le Tribunal civil de Nancy le déclare en faillite. Pourquoi une telle fin ? Deux hypothèses peuvent être envisagées : 

        - un fléchissement des affaires

        - bien que travaillant dans l'usine familiale et certainement associé par son père à la gestion de l'entreprise, J. Joseph n'aurait pas eu toutes les qualités ou compétences requises.

        L'adjudication se fait le 18 juin 1896 dans les locaux de la mairie de Pagny. L'acquéreur est Raphaël Worms, tanneur à Lunéville pour la somme de 30 000 francs. L'acte est validé à Pont-à-Mousson le 22 juin 1896. Une surenchère de 10% est présentée par la Sociéré Générale, ancien hypothécaire ; celle-ci est validée par un jugement du Tribunal de Nancy. Une nouvelle adjudication a lieu le 15 janvier 1897 au prix de 33 000 francs. Finalement la propriété est adjugée à M. Emile Thierry pour qui il s'agit d'un placement d'argent uniquement. Ainsi l'usine de clés et la tannerie qui ont employé une centaine d'ouvriers n'ont pas survécu à la disparition de leurs créateurs.

        LA BRASSERIE (1896)

        La brasserie était implantée au lieu-dit " Sous la Croix " en bordure du canal latéral à la Moselle et du ruisseau de Pagny. La propriété initiale couvrant environ un hectare appartenanit à M. Sendret qui avait installé une turbine et des bâtiments (en fait une partie des locaux de l'ancienne usine de clés) en vue de la création d'une tannerie. Après la faillite de l'entreprise, cette propriété fut vendue au fondateur de la brasserie M. Michel Victor Bohler lors d'une adjudication le 18 juin 1896 pour la somme de 17 624, 95 francs.

        © Coll. Jean-Marie Wantz
        Les travaux de construction de la brasserie commençèrent le 16 octobre 1896 et furent rondement menés. M. Bohler obtient de la municipalité l'autorisation de couvrir le ruisseau pour établir des générateurs de vapeur et pour faciliter la circulation dans l'usine (Conseil municipal du 14 juillet 1897). La production de bière blonde et brune était essentiellement destinée à l'exportation et cela malgré la concurrence des bières belges et allemandes. Les exportations se faisaient par la gare de Pagny. En juillet 1901, un article de l'Impartial de l'Est annonce la fusion des brasseries de Jarny et de Pagny. Pourquoi une telle démarche ? Une réponse simple peut être envisagée. Après quelques années de fonctionnement de la brasserie, la production de bière pagnotine déjà très importante ne demande qu'à se développer, aussi M. Bohler envisage son agrandissement. Cependant un tel projet recquiert de gros investissements, que seule, la brasserie de Pagny ne peut financer d'où l'opportunité du rapprochement.

        L'acte de fusion donnant naissance à "'L'Union des Brasseries de Jarny et Pagny-sur-Moselle Réunies " est enviasgé à Conflans le 21 juin 1901, M. Bohler ayant vendu ses parts. La brasserie de Pagny cessera ses activités dès les premiers jours de la Grande Guerre et l'arrivée des avant-gardes allemandes le 24 août 1914. Victime de plusieurs bombardements endommageant les bâtiments, l'activité brassicole de Pagny disparaît définitivement.

        L'USINE DE SCORIES (1904)

        C'est à Alfred Brichon, entrepreneur à Pagny que revient l'initiative de la création de nouvele entreprise à l'été 1903. Il s'agit de valoriser les scories de déphosphoration issues de la fabrication d'acier à partir du minerai de fer lorrain phosphoreux selon le procédé Thomas qui sont utilisés comme engrais phosphaté. Ces scories broyées servent d'engrais convenant à toutes les cultures. La moyenne vallée de la Moselle abrite deux usines sidérurgiques à Pont-à-Mousson et à Pompey qui utilisent le minerai de fer lorrain phosphoreux. Alfred Brichon voit dans cette évolution une très belle opportunité d'autant qu'il possède un terrain à la sortie de Pagny situé à proximité du canal et de la voie ferrée ; la nouvelle usine bénéficiera d'un branchement au réseau ferré de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est.

        C'est au début de l'année 1903 qu'Alfred Brichon demande l'autorisation de créer un moulin à scories sur un terrain qui lui appartient. Une enquête de commodo et incommodo est ouverte en mairie du 24 juin 1903 au 1er juillet suivant. Aucune déclaration négative ne figure sur le registre, dès lors le moulin en question peut être construit et dès la fin de l'année 1903 cette usine fonctionne.

        Cependant aucun document ne permet d'en écrire davantage sur cette nouvelle industrie ni sur le nombre de personnes employées dans cet établissement - tous les documents ont été détruits pendant la guerre.

        Dès 1904, un article du " Patriote Mussipontain " confirme que le propriétaire de cet établissement mène une véritable politique  commerciale. " La fabrique de Scories Lorraine de Pagny-sur-Moselle représentée au comice agricole de Briey par M. Brichon dont les produits sont de plus en plus appréciés, a obtenu une médaille d'argent ". Cette entreprise développe son activité pendant toute la période qui précède la Première Guerre mondiale qui la contraint à cesser toute activité.

        Cette entreprise florissante subit durant le conflit toute une série de bombardements qui la détruisent totalement. Cet établissement, comme beaucoup d'autres construits sur la ligne de front, ne reprendra pas ses activités au lendemain de la Grande Guerre.

        LA SOLOREM (1928)

        Dans un courrier adressé à la préfecture de Nancy, M. Vincent Venner, gérant de la Société Lorraine d'emboutinage ", la Solorem, sollicite l'autorisation d'ouvrir des ateliers à Pagny-sur-Moselle pour le découpage et l'emboutissage de tous les métaux. A ce courrier sont joints les plans de la future usine. Les services préfectoraux transmettent la demande à M. Babaud, inspecteur départemental du travail chargé du contrôle des établissements classés, lequel se rend à Pagny sur les lieux d'implantation de l'usine. Il conclut sa visite par un rapport adressé au préfet : " Il résulte de l'enquête à laquelle j'ai procédé  que l'usine projetée en cours de construction est située entre le canal latéral à la Moselle et la ligne de chemin de fer Nancy-Metz, sur l'emplacement de l'ancienne brasserie de Pagny. "

        L'activité de cette entreprise consiste à découper, estamper et emboutir des métaux de feuilles épaisses de deux trois millimètres au plus, constituées par des plaques de fer blanc, des tôles d'acier oridinaire ou verni, d'aluminium ou de laiton en vue de la fabrication de boîtes métalliques, de jouets d'enfants et d'appareillages électriques. 

        L'outillage de fabrication utilisé qui sera réuni dans l'atelier des machines comprendra : cisailles à main, presses pour estamper, découper et emboutir, machines à agrafer et à sertir, soudeuses électriques " La force motrice nécessaire sera fournie par une turbine hydraulique à un axe horizontal de 50 CV actionnée par l'eau provenant du canal. Le nombre des ouvriers occupés n'excédera pas 50 personnes.

        Cette usine démarre sa production en 1929. Aucun document ne permet de connaître le nombre précis d'ouvriers. Cette nouvelle enytreprise en définitive n'aura qu'une existence éphémère - une dizaine d'années - puis elle disparaîtra définitivement du paysage industriel pagnotin avec la Seconde Guerre mondiale.

        Jean-Marie Wantz

        (Professeur d'histoire à la retraite, co-fondateur de la revue " Nos Villages Lorrains ", revue trimestrielle de la " Maison pour Tous " de Pagny-sur-Moselle, une des plus anciennes publications locales, auteur de nombreux articles sur l'histoire de Pagny-sur-Moselle)

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