Pour son exploitation et sa commercialisation, la Société Anonyme des Salins de la Moselle, dont le siège situé à Saint-Nicolas-de-Port, est constituée par la vente de 14 000 actions de 100 francs de membres fondateurs.
À la suite, un puits est foncé pour l'exploitation d'une mine sur la limite des territoires des communes de Tonnoy et Benney, dans les bois au lieu-dit " la Rouge corvée " pour l'extraction du sel gemme en quartier. Le forage recoupe 4 couches de sel sans aucune venue d'eau constatée et c'est la 3ème couche qui est retenue.
Concession de 762 Ha sur les bans de Benney et Tonnoy |
Le gisement salifère rencontré à la profondeur de 134 m pour une épaisseur de veine de 7 m au mur est d'une qualité exceptionnelle, la galerie principale sur une largeur de 10 m s'oriente vers le sud, les galeries secondaires y aboutissant perpendiculairement. Le vide d'exploitation est maintenu par des piliers de 10 m au carré amplement suffisant pour la tenue des morts-terrains.
La géologie du gisement autorise une pente favorable d'une dizaine de mètres pour le roulage à charge du minerai de sel vers la recette inférieure du fond. La production évaluée à 120 000 quintaux (côté à 15,75 francs/q) laisse espérer de beaux bénéfices. Suite à la rencontre de roche dure pendant le fonçage de la galerie principale, le projet d’exploitation minière est abandonné.
En 1901, un deuxième puits de sondage sur le territoire de Tonnoy, lieu-dit " aux Clavières " à la profondeur de 108 m autorise la Société des Salines de Tonnoy à l'exploiter par chambres de dissolution à l’eau douce.
La construction, puis la direction de la saline est confiée en 1901 à M. Auguste Koehl. Un port d'accostage avec quai en béton est construit en vis-à-vis de la saline sur le canal de l'Est en rapport direct d'un côté avec Pont-Saint-Vincent vers Toul et de l'autre côté Bayon vers Épinal. Ce port servira au départ pour l'approvisionnement des matériaux de construction et ensuite pour les expéditions du sel.
Saline de Tonnoy construite en 1901 - 4 poêles et 1 four |
Le relevage de la saumure est réalisé au moyen d’une pompe à vapeur et son transport par un saumoduc en fonte enterré sous la Moselle sur une longueur de 2,5 km.
Un générateur de chauffage à houille pour la saumure et quatre poêles rectangulaires d'évaporation de 20 m sur 10m en acier riveté sont construits.
Les poêles enserrées dans des salles d'évaporation sont surélevées sur des carneaux sinueux en briques réfractaires permettront de ralentir et chauffer les poêles par échange des gaz brûlés.
Viennent s'ajouter :
Un magasin salorge pour stocker les différentes qualités de sel en vrac ainsi qu’un local pour le sel en sacs, toute la manutention s'effectue à la brouette ou manuellement.
Quelques locaux techniques (menuiserie, charronnerie) ainsi qu'un bâtiment d'entretien des pompes à vapeur avec à l'étage un atelier de sacherie à la marque " Sel de Tonnoy " en paquets bleus imprimés en noir.
Un immeuble d'habitation à deux étages avec une partie réservée aux services des douanes, toutes ces constructions étaient alimentées en eau douce à partir de la source de " l'homme sauvage " en forêt de Benney.
L’éclairage provient de lampes à carbure, la saline ne connaîtra jamais l'électricité pendant sa durée d'exploitation.
Comme cette saline excentrée est la seule dans le secteur, un marché local s'implantera dans les villages proches des vallées de Moselle et du Madon, avec priorités d’embauches de personnel sur les communes des concessions.
En 1909, une augmentation de concession à 979 ha entraine une 2ème tranche avec construction de 4 nouvelles poêles identiques et un deuxième four de chauffe et sa cheminée. La saline possède désormais 8 salles d'évaporation et fabrique un sel spécial pour le tannage des cuirs, la commercialisation des sacs ou étuis cartonnés pour l'alimentation humaine est multipliée grâce aux expéditions par le canal.
À partir de 1912, une troisième demande d'extension sera rejetée, les salines de Tonnoy seront alors louées à la Société Gérard et Cie des Salins et Pêcheries d'Hyères pour une durée de 15 ans qui rétrocède presque entièrement son bail au Comptoir des sels de l'Est.
La saline ferme ses portes en 1914 par manque de personnel, puis redémarre en 1916 grâce à l’aide de Gustave Dartoy avec une quarantaine de saliniers, elle en comptera 3 fois plus jusqu'en 1927 date à laquelle, une rapide opération de rachat est réalisée en avril, suite au refus de renouvellement de bail. Une collectivité comprenant les Sociétés des Salines de l'Est 76%, de Franche Comté 19%, et le Comptoir de Bayonne 5% prend le contrôle des salines de Tonnoy.
Il est décidé que les 11 000 actions acquises par la collectivité soient remises à la Société des Salines des Haras de Rosières-aux-Salines, dont toutes les branches sont actionnaires, avec augmentation de capital.
À partir de 1928, la saline ne produira plus jamais de sel, son entretien en l'état sera confiée à G. Dartoy qui y habitera avec sa famille. Elle est sérieusement endommagée par un bombardement en 1945.
Ancienne saline de Tonnoy en 2013 |
En 1958, les salles d'évaporation, les magasins à sel et les ateliers sont démolis, seul les immeubles d'habitation, d'expéditions et les deux cheminées des générateurs existent encore en 2013.
Aujourd’hui, complétement reconvertie en ferme de polyculture et d’élevage, cette GAEC des salines propose au public des produits locaux 100 % fermiers à travers la tradition et charte des adhérents de l’association « Saveurs Paysannes » qui regroupe les producteurs fermiers de Meurthe & Moselle.
Salines de Tonnoy vers 1905 |
Extension saline de Tonnoy vers 1910 avec 8 salles d’évaporation et 2 générateurs à cheminées. |
Témoignage, archives et photos des salines / Henri Dartoy, 2013.